<304> avec lui l'abbé Jordan, Keyserlingk, Fouqué et le major Stille. Quelle fatalité nous sépare, mon cher Diaphane? et pourquoi ne pouvons-nous pas voir à Rheinsberg nos jours couler ensemble dans le sein de la vérité et de l'innocence?
Là, sous un ciel serein, assis au pied des hêtres,
Nous étudions Wolff en dépit de nos prêtres.
Les Grâces et les Ris ont accès en ces lieux,
Sans pourtant excepter aucun des autres dieux.
Tantôt, quand nous sentons bouillonner notre verve,
Nous chantons en l'honneur de Mars et de Minerve;
Tantôt, le verre en main, nous célébrons Bacchus,
Et, la nuit, nous payons nos tributs à Vénus.
Telle est la confession que je vous fais de la vie que nous menons dans ce fortuné séjour, où le ciel puisse nous conserver longtemps! Quant à ce que vous me dites de la philosophie de Wolff, vous serez fort étonné d'apprendre que son sort est celui du temps; et, à moins que d'avoir un thermomètre de cour, il est impossible de savoir en quel crédit elle est présentement. Mais c'est de quoi je ne m'embarrasse guère; car, quand on connaît le fond d'incertitude et de diversité qui se trouve dans le temps, l'on ne s'enquiert plus de la raison des choses qui n'en ont aucune autre qu'un caprice arbitraire mêlé d'une opiniâtreté contradictoire. Passez-moi ces termes, je vous en conjure, au cas que vous trouviez que j'en dise trop. Quant à la traduction des autres ouvrages de notre philosophe, j'ai la satisfaction de vous apprendre que sa Logique est actuellement sous presse, et que l'on va commencer à traduire sa Morale. Pour la Métaphysique, on en trouve la traduction si bonne, si correcte et si précise, que l'on jugerait superflu d'essayer d'en faire une autre, puisque l'on s'exposerait ou à devenir plagiaire de votre traduction, ou bien à en faire une autre beaucoup moins parfaite et moins exacte. Voilà le rapport que je vous fais de l'état où se trouve chez nous la république des lettres. Quant au mien en particulier, j'en suis peu content, étant séparé de