<331> Russie va devenir ma Grèce, et Saint-Pétersbourg, endroit auquel je ne daignais pas penser, l'objet de tous mes vœux.

Je me flatte de la douce espérance de vous voir à Berlin avant votre départ; je n'aurai que des larmes pour vous reconduire, et des souhaits pour vous accompagner. Souffrez que je vous fasse un aveu de ma faiblesse; je rougis en le faisant : l'amitié vient de me faire faire des vœux que l'ambition ne m'aurait jamais arrachés. Mais je me rendrais indigne de votre estime, si je ne les étouffais.

Que la philosophie est un faible secours contre les coups imprévus! J'en fais malheureusement l'expérience, et, malgré tout ce que le destin en a ordonné, je voudrais changer le vôtre. C'est temps perdu que d'y penser, et peine perdue que de le dire. Après cela, n'est-il pas superflu de vous réitérer les assurances de la parfaite estime qu'on ne saurait vous refuser, et avec laquelle je suis à jamais,



Mon très-cher Diaphane,

Votre très-fidèlement affectionné ami,
Frederic.

ÉPITRE A MON CHER DE SUHM.

Interprète charmant de la philosophie,
Quel démon, t'arrachant de ces paisibles lieux,
Dans les climats glacés de la triste Russie,
Jusqu'aux limitrophes d'Asie,
Te fait chercher de nouveaux cieux?
Serait-ce l'indigence à l'aspect odieux,
Qui, d'Horace accordant la lyre,
Lui fit parler jadis le langage des dieux
Que dans ses vers harmonieux
L'univers entier admire?
De deux princes puissants serrant le nœud sacré,
Du pope et du boyard vous serez révéré.