<371> des recherches à ce sujet, et l'on compte même qu'ils pénétreront jusqu'en Amérique, à laquelle il est probable que cet empire touche quelque part. On peut juger de là que, si l'immense État connu sous le nom de Russie européenne et asiatique était partout aussi peuplé que la France ou l'Allemagne, il mettrait sans peine l'Europe dans sa poche. Cependant, de la manière dont on y fait les recrues, on voit bien qu'il n'est pas aussi pauvre en habitants qu'on semble le croire ailleurs, puisque, actuellement, pour former un corps de soixante mille hommes, on ne lève que le quatre-vingt-dixième. Ce qui renforce beaucoup cette considération, c'est l'assurance que l'on a que la population de l'intérieur du pays n'est point encore assez bien connue, car il est avéré que, malgré la rigueur des ordres donnés à ce sujet, tel possesseur de terres qui se trouve inscrit pour n'avoir que cent sujets en a quatre cents et au delà.
Il en est de même des revenus, qu'on n'a pas encore bien pu fixer : et ceux qui les ont bornés à douze millions de roubles n'ont assurément eu d'autre raison pour le faire que de déterminer un nombre certain pour un incertain. Mais quand cela serait, cette somme ferait plus d'effet dans cet État que le décuple peut-être dans un autre, ce qui fait que, dans ce pays, on rend possibles des choses auxquelles il ne faut pas penser seulement ailleurs.
Je tiens cet État invincible sur la défensive; c'est une hydre dans ce cas; les années y naissent comme les hommes ailleurs, et ne coûtent pas plus de peine à mettre sur pied que Cadmus n'en eut à créer des hommes armés de pied en cap, en semant les dents du dragon. La guerre ne coûte rien à cet État quand les armées ne sortent pas du pays, et je n'appelle pas cela sortir du pays que d'aller dans les déserts et dans la Crimée, parce que l'argent reste dans l'armée, et rentre avec elle dans le pays.
Une guerre réglée au dehors est onéreuse à toute nation; mais que n'expédie-t-on pas en deux ou trois campagnes, en y allant