<391> vous ai griffonné en style géométrique une assez longue lettre, sur laquelle, en sommaire, je vous demandais vos sentiments sur ce que vous pensez de cette nouvelle Académie de Pétersbourg; je vous priais aussi de m'éclaircir quelques doutes sur cette imprimerie impériale. J'attends votre réponse sur tous ces points.
Je suis de retour du pays de Clèves, et paisible casanier de Remusberg, appliqué à l'étude et lisant presque du matin jusqu'au soir. Quant aux nouvelles du inonde, vous les apprendrez mieux par la bouche des gazetiers que par la mienne. Elles contiennent l'histoire de la folie des grands, la guerre des uns, les démêlés des autres, et les puérils amusements de tous ensemble. Ces nouvelles sont aussi peu dignes des regards d'un homme sensé que les combats des rats et des souris pourraient l'être. Une seule remarque que je vous prie seulement de faire, c'est qu'il me semble que la Vierge Marie doit être moins avide d'affiquets de toilette à présent qu'elle ne l'était autrefois; car, du temps du prince Eugène, elle paya quelques joyaux et quelques étoffes magnifiques par le gain des fameuses batailles où ce prince tailla les Turcs en pièces; à cette heure, l'Empereur a beau lui offrir tous les trésors qu'il n'a point, et lui promettre, secondé des bons offices du cardinal, toutes les plus riches étoffes de Lyon, cette bonne mère de Dieu reste inflexible, et laisse triompher paisiblement le croissant de la croix.
Il ne me reste qu'à vous réitérer les sentiments de l'estime parfaite avec laquelle je suis,
Mon cher Diaphane,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.