<I>

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

La Correspondance est une des parties les plus importantes des œuvres littéraires de Frédéric le Grand. Elle fait connaître à fond tout son caractère et tous les trésors de son esprit; et l'histoire, ainsi que le génie de la civilisation du dix-huitième siècle, se reflète, dans cet échange de pensées si animé, sous les formes les plus piquantes et les plus variées. Aussi croyons-nous que cette correspondance conservera dans tous les temps sur le reste des écrits de Frédéric la supériorité marquée que les lettres de Voltaire ont sur ses romans, ses tragédies et ses ouvrages historiques. C'est dire que le lecteur cultivé y reviendra toujours avec un nouveau plaisir.

Cependant les correspondances de Frédéric diffèrent beaucoup entre elles. Les unes ont un intérêt plutôt psychologique qu'historique; telles sont, par exemple, les lettres de sa jeunesse à Camas, à Jordan, à Duhan de Jandun et à Suhm, dans lesquelles les sentiments les plus intimes, les peines, les plaisirs, en un mot, tout ce qui agite son âme est exprimé sans réserve, et dans le langage le plus naturel. Dans ses correspondances avec d'autres amis, tels que Voltaire et d'Alembert, Frédéric s'occupe plutôt de littérature, de questions scientifiques difficiles, et des principes qui régissent la vie de l'individu et la société, attaquant parfois les<II> thèses opposées ou défendant les siennes avec toute la ténacité d'une conviction prononcée. C'est à cette dernière catégorie de lettres qu'il a consacré le plus de soin; il les faisait même transcrire, pour en conserver soit les autographes, soit les copies. Les rares qualités de son cœur et de son esprit se présentent encore sous d'autres aspects dans ses lettres familières à Algarotti, à d'Argens, à la duchesse Louise de Saxe-Gotha, à l'électrice Antonie de Saxe, à Fouqué et à Hoditz; on aime à y trouver les témoignages éclatants et délicats de son goût pour les plaisirs que lui procurait la société de ses anus, ainsi que l'expression de la reconnaissance qu'il éprouvait pour eux. Ses lettres à sa mère, à ses frères et à ses sœurs, à la margrave de Baireuth surtout, montrent toute la tendresse filiale et fraternelle dont son cœur était plein. Enfin il n'est aucune de ses correspondances, quelque peu étendue qu'elle soit, qui ne fasse connaître de plus en plus son caractère vraiment antique, royal et aimable à la fois.

Nous nous félicitons donc doublement de pouvoir donner de la Correspondance du Roi une édition qui surpasse toutes celles qui ont paru jusqu'ici, soit par le nombre des lettres, soit par leur valeur intrinsèque. Malheureusement nous avons à déplorer la perte de beaucoup de manuscrits originaux fort importants, tels que ceux des lettres à Voltaire, par exemple, de sorte que nous nous voyons souvent forcé d'accorder notre confiance à des recueils imprimés antérieurement, et de laisser dans le nôtre plus d'une lacune présumée. A ce malheur se joint un inconvénient qui n'échappera pas aux connaisseurs : c'est que ces anciennes impressions portent les traces de changements plus ou moins arbitraires que les éditeurs ont cru devoir y apporter. Les lettres que nous publions pour la première fois, au contraire, n'ont subi de notre part que d'insignifiantes corrections relatives à l'orthographe et aux lois les plus élémentaires de la grammaire, conformément au principe énoncé dans la Préface de l'Éditeur, en tête de cette édition. Il est évident que cette différence est toute à notre avantage.

Nous n'imprimons ici que les lettres écrites par le Roi à ses connaissances, à ses amis et à ses parents, ainsi que la correspondance qu'on pourrait appeler scientifique, avec Voltaire, d'Alembert et quelques autres personnes. Nous avons dû laisser de côte les lettres officielles et les lettres d'affaires, parce que nous n'avons à nous occuper que de Frédéric considéré comme individu et comme écrivain. Sa correspondance militaire, diplomatique, politique et administrative,<III> le miroir le plus fidèle, il est vrai, du grand capitaine, du souverain et du père de la patrie et de ses sujets, serait l'objet de recherches toutes spéciales et étrangères à notre but.

Il est bien remarquable que la correspondance de Frédéric avec beaucoup de personnes qui lui étaient chères ou dont la société lui était agréable ne renferme que des lettres qui roulent presque exclusivement sur les affaires et la guerre. Tel est le cas, entre autres, de celles qui ont été adressées au feld-maréchal Keith et au président de Maupertuis. C'est pour cette raison que nous ne pouvons publier ici certaines collections de lettres familières et amicales échangées entre Frédéric et plusieurs hommes célèbres de sa connaissance et de son entourage. Ces lettres, écrites par un conseiller de Cabinet, soit sous la dictée, soit seulement selon les idées du Roi, n'étaient que signées par celui-ci.

Frédéric met la date au haut de ses lettres, à droite, souvent incomplète, c'est-à-dire simplement le jour, sans y ajouter le lieu ni l'année; il n'est pas rare qu'il l'omette entièrement. Ses ordres de Cabinet portent la date très-complète, toujours au bas de la page, à gauche. Ses lettres sont ordinairement autographes d'un bout à l'autre; ses ordres de Cabinet sont toujours de la main d'un secrétaire, et finissent par la formule du roi Henri IV : « Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. » Cette formule termine de même presque toutes les lettres de Frédéric à d'Alembert, ainsi que quelques réponses au comte Algarotti, par exemple celles du 5 mai 1750, du 20 février et du 6 août 1761, du 30 décembre 1760 et du 1er juin 1764 Dans ses réponses à Voltaire, il fait usage de ces mots quand il est mécontent de lui, et qu'il lui l'ail écrire par son secrétaire; telles sont les lettres du 16 mars 1753 et du 16 mars 1754, du 7 et du 13 août, du 1er et du 13 septembre, et du 25 novembre 1766. En tous cas, quand on trouve la formule dans une lettre de Frédéric, on peut en conclure que cette lettre a été expédiée en copie, comme celles à d'Alembert, ou même seulement minutée d'après ses idées. Quand il fait écrire à ses parents ou à ses amis, il aime à ajouter quelques mots de sa main, tout comme il joint souvent à ses ordres de Cabinet un post-scriptum ou une note marginale. Le Roi a signé ses lettres ou ordres de Cabinet en français : Frideric, jusqu'au mois d'avril 1732; depuis ce temps jusqu'au 1er juin 1737, Frederic, sans accents, et Federic à partir de cette dernière époque.

<IV>Cette volumineuse collection de plus de trois mille lettres et réponses a été rangée par groupes, d'après les divers correspondants du Roi, les lettres avec leurs réponses respectives, en commençant par ceux avec qui ce commerce épistolaire a cessé le plus tôt, soit pour cause de décès, soit pour d'autres raisons. Ainsi la correspondance de Frédéric avec M. de Suhm cesse en 1740; celle avec Algarotti en 1764; celle avec d'Argens en 1769; celle avec Fouqué en 1778; celle avec Voltaire en 1778; celle avec d'Alembert en 1788; celle avec Condorcet en 1786. Nous donnons ces différentes correspondances dans toute leur intégrité, rangeant par ordre de date les lettres qui les composent, et nous pouvons, grâce à cette disposition, suivre le Roi dans toutes les phases de ses amitiés et de son développement moral et intellectuel.

A la suite des dix volumes de la correspondance de Frédéric avec ses amis, nous donnerons sa correspondance avec ses parents, en un volume; enfin sa correspondance allemande, en un volume.

Trente-deux de ses lettres en vers et prose (deux à M. Jordan, huit au marquis d'Argens, une à M. de Catt, et vingt et une à Voltaire) avaient été admises par l'Auteur dans ses Œuvres du Philosophe de Sans-Souci, ou dans la collection postérieure que nous avons intitulée Poésies posthumes (t. XI, t. XII et t. XIII de cette édition). La célèbre Réponse à Voltaire, du 9 octobre 1757 :
Croyez que si j'étais Voltaire, etc.
a également obtenu une place parmi les Poésies éparses (t. XIV). Ces trente-trois pièces, que l'Auteur avait revues et limées avec soin, pour la plupart, en les faisant imprimer, seront reproduites dans la correspondance avec Jordan, d'Argens, de Catt et Voltaire, d'après les textes originaux, telles que le Roi les avait adressées à ses amis.

En ce qui concerne particulièrement ce premier volume (1731-1740), il renferme onze correspondances suivies et quelques lettres isolées, en tout seize groupes comprenant trois cent huit lettres, parmi lesquelles il y en a deux cent dix-sept du Roi. En voici le détail.

<V>

I. LETTRE DE FRÉDÉRIC A M. DE NATZMER, gentilhomme de la chambre du Prince royal. (Février 1731.)

Charles-Dubislas de Natzmer, né le 7 septembre 1705, mourut conseiller de régence à Stettin, le 31 juillet 1738. C'était le seul fils survivant du feld-maréchal de Natzmer. Nous tirons la lettre que le Prince royal lui a adressée, au mois de février 1731,V-a de l'ouvrage de M. Frédéric Förster intitulé : Friedrich Wilhelm, König von Preussen. Eine Lebensgeschichte. Potsdam, 1835, t. III, p. 17-20.

II. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC MADAME DE WREECH. (Août 1731 - 10 février 1732.)

Eléonore-Louise de Wreech était fille de Hans-Louis de Schöning (fils du feld-maréchal Hans-Adam de Schöning), colonel polonais, mort en 1713, et de Julienne-Charlotte, née comtesse de Dönhoff, morte en 1733. Elle naquit le 2 février 1708, à Tamsel près de Cüstrin, et épousa en 1723 le colonel de Wreech, né en 1689, qui parvint au grade de lieutenant-général de la cavalerie, et décéda à Schönebeck en 1746; sa veuve mourut à Berlin le 12 octobre 1764. Lors de son séjour à Cüstrin, en 1781 et 1732, Frédéric voyait souvent la société du château de Tamsel, et se montrait fort sensible à la beauté et au rare mérite de madame de Wreech. Voyez l'ouvrage de M. Förster cité ci-dessus, t. III, p. 65, 69, 81 et 112. Les autographes de la correspondance qui nous occupe appartiennent à madame la comtesse Sophie de Schwerin, née comtesse de Dönhoff. M. de Schöning, ancien maréchal de la cour de S. A. R. Monseigneur le prince Charles de Prusse, a publié ces lettres en 1846, d'après des copies inexactes, dans un supplément à l'histoire de sa famille, tiré à un petit nombre d'exemplaires pour ses parents et ses amis. Nous reproduisons cette curieuse correspondance d'après les autographes. Trois <VI>des lettres du Prince royal sont accompagnées de poésies. Ces vers adressés à madame de Wreech sont remarquables, parce qu'ils appartiennent aux premiers essais poétiques de l'Auteur. Frédéric y fait allusion dans sa lettre à Voltaire, du 16 août 1737 : « Une aimable personne, dit-il, m'inspira dans la fleur de mes jeunes ans deux passions à la fois; vous jugez bien que l'une fut l'amour, l'autre fut la poésie. Ce petit miracle de la nature, avec toutes les grâces possibles, avait du goût et de la délicatesse. Elle voulait me les communiquer; je réussis en amour, mais mal en poésie. Depuis ce temps, j'ai été amoureux assez souuvent, et toujours poëte. » L'époque de l'éveil de sa muse est d'ailleurs clairement marquée dans l'Épître VI, à ma sœur de Baireuth, 1734 (t. XI, p. 44) :

Pour moi, jeune écolier d'Horace,
A peine ai-je au pied du Parnasse
Passé mon troisième printemps,
Que, rempli d'une noble audace,
J'ose vous consacrer mes chants.

Le retour de Frédéric à Berlin, son mariage et son séjour à Ruppin et à Rheinsberg interrompirent ses relations avec les habitants du château de Tamsel. En 1748, comme il s'agissait de choisir une dame d'honneur, le Roi écrivit à la Reine sa femme : « Madame de Wreech a fait tant de difficultés pour sa fille, qu'elle ne trouvera pas mauvais qu'on lui préfère la jeune Schwerin, fille du grand écuyer. » Nous retrouvons plus tard la veuve de Wreech dans une situation critique, surtout pendant la guerre de sept ans, où ses terres furent dévastées. C'est dans ce temps-là que le Roi eut occasion de lui écrire, du château de Tamsel même, le 30 août 1758, une lettre de consolation que nous ne considérons plus comme faisant partie de la correspondance de Frédéric avec madame de Wreech, mais seulement, de même que les quatre autres que nous y avons ajoutées, comme une espèce de curiosité, et comme un témoignage des sentiments paternels du monarque pour ses sujets.

<VII>

III. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE COMTE DE SECKENDORFF. (6 avril 1732 - avril 1733.)

Le général Frédéric-Henri comte de Seckendorff arriva à Berlin, en qualité d'envoyé de l'empereur Charles VI, le 25 juin 1726, et il quitta la cour de Frédéric-Guillaume Ier le 23 juin 1734. Son influence sur les affaires publiques et intérieures de la cour de Berlin est bien connue. Frédéric le nomme souvent dans ses ouvrages, p. e. t. I, p. 181, 186, 196 et 197; t. II, p. 6; t. III, p. 42, 102 et 103; et dans ses lettres à Suhm, du 15 et du 26 novembre 1737. Sa correspondance avec le comte de Seckendorff est tirée de l'ouvrage de M. Förster, Friedrich Wilhelm I, t. III, p. 221-229.

Le comte de Seckendorff naquit le 16 juillet 1673, à Königsberg en Franconie; en 1736, après la mort du prince Eugène, il fut élevé au grade de feld-maréchal impérial, et il mourut à Meuselwitz, le 23 novembre 1763.

IV. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC M. DE GRUMBKOW. (11 février 1732 - 18 octobre 1733.)

Frédéric-Guillaume de Grumbkow (voyez t. I, p. 188, et t. XIV, p. 194), fils de Joachim-Ernest de Grumbkow (t. I, p. 209), naquit à Berlin le 8 octobre 1678. La bravoure qu'il déploya à la bataille de Malplaquet lui valut le grade de général-major. En 1713 il devint ministre d'État, en 1717 lieutenant-général, le 4 mai 1733 général de l'infanterie, et le 15 juillet 1737 feld-maréchal. Il mourut le 18 mars 1739. Lors de sa correspondance avec Frédéric, il possédait toute la confiance de Frédéric-Guillaume Ier. De là vient la réserve et la circonspection qu'on remarquera aisément dans les lettres du Prince royal. La correspondance qui nous occupe se compose de quarante-cinq lettres de Frédéric, de quatre lettres de Grumbkow, et d'une lettre de mademoiselle de Grumbkow à son père. Le texte fort corrompu de quarante-neuf de ces lettres (y compris celle de made<VIII>moiselle de Grumbkow) a été publié dans l'ouvrage de M. Förster, Friedrich Wilhelm I, t. III, p. 160-218, et les seize lettres que nous sommes obligé d'en tirerVIII-a renferment plusieurs passages obscurs ou même inintelligibles. Nous avons trouvé les originaux de trente-trois autres lettres aux archives royales du Cabinet, à Berlin (Caisse 144, E). De plus, nous avons ajouté à ce recueil la lettre inédite de Frédéric, du 22 février 1732, imprimée sur l'autographe appartenant à madame la comtesse Sophie de Schwerin-Dönhoff.

V. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE COMTE DE SCHULENBOURG. (4 février - 27 mars 1734.)

Jean-Matthieu comte de Schulenbourg, né le 8 août 1661 à Emden, près de Magdebourg, et feld-maréchal de la république de Venise, mourut à Vérone le 14 mars 1747. Nous avons tiré les deux lettres de Frédéric au comte de Schulenbourg, avec une réponse de celui-ci, de l'ouvrage allemand, Leben und Denkwürdigkeiten Johann Mathias Reichsgrafen von der Schulenburg. Leipzig, 1834, t. II, p. 311 et 312. Voyez t. V, p. 28, et t. VII, p. IV.

VI. LETTRE DE FRÉDÉRIC AU COMTE DE MANTEUFFEL. (11 mars 1736.)

Ernest-Christophle comte de Manteuffel, né en Poméranie le 22 juillet 1679, et premier ministre en Saxe, obtint une pension de retraite, et vint n'établir à Berlin en 1731. Il se forma dès lors entre lui et le Prince royal une liaison qui fut d'abord très-intime, mais qui se relâcha peu à peu. Après son avénement, Frédéric lui fit insinuer que les circonstances du moment s'opposaient à la prolongation de son séjour à Berlin. M. de Manteuffel se relira donc à Leipzig, où il mourut le 30 janvier 1749. Il existe une correspondance assez étendue de Frédéric <IX>avec le comte Manteuffel; mais il nous a été impossible d'en tirer parti. La seule lettre de Frédéric que nous réimprimions ici est tirée des Souvenirs d'un citoyen par Formey, t. I, p. 15-20.

VII. LETTRES DE FRÉDÉRIC A M. ACHARD. (27 mars et 8 juin 1736.)

Antoine Achard, né à Genève en décembre 1696, et, depuis 1724 pasteur de l'église française du Werder, à Berlin, eut l'honneur d'être en relation avec le Prince royal; il était admis aux soupers du mercredi, que faisaient avec Frédéric chez madame de Rocoulle les personnes qu'elle jugeait les plus capables de lui plaire.IX-a Cette liaison donna lieu à une correspondance dont M. Formey a publié deux lettres dans ses Souvenirs d'un citoyen, t. I, p. 3-12. Ce sont ces deux lettres, imprimées par Formey sur les manuscrits originaux, que nous reproduisons. En 1740, le jeune roi, déjà occupé de ses projets de guerre, entra un jour à l'improviste dans l'église du Werder, où M. Achard prêchait. Il se trouva par hasard que le sermon roulait sur la guerre, sur les malheurs qu'elle entraîne à sa suite, sur la folie des conquérants, etc. L'orateur y avait inséré la harangue des Scythes à Alexandre.IX-b Le Roi fut fort irrité de cette sortie, et s'en alla en disant : « De quoi se mêle Achard? et lui appartient-il de traiter ces matières? » Le pasteur Achard mourut à Berlin le 2 mai 1772. On a de lui deux volumes de sermons. Frédéric le nomme au commencement de l'Épître à mon esprit, t. X, p. 248.

VIII. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC M. DE BEAUSOBRE. (8 janvier - 28 décembre 1737.)

Isaac de Beausobre, né à Niort en Poitou, le 8 mars 1659, et pasteur de l'église française de Berlin, mourut dans cette dernière ville le 5 juin 1738. Frédéric lui entendit prêcher, le dimanche 11 mars 1736, un sermon qui fit sur lui <X>une impression assez favorableX-a pour qu'il désirât connaître personnellement cet ecclésiastique. Une liaison intime se forma dès lors entre eux. Le Roi a dit lui-même à Former qu'il n'avait jamais entendu que deux prédicateurs dont il eût été satisfait, M. de Beausobre, et M. Quandt, à Königsberg (voyez t. VII, p. 108). La mort de M. de Beausobre lui causa de vifs regrets, comme on peut le voir par ses lettres à Voltaire et à M. de Camas. Frédéric prit un soin paternel des deux fils que le défunt avait eus de son second mariage, contracté au commencement de l'année 1730; il fit entrer l'aîné dans la carrière littéraire, et plaça le cadet dans le corps de l'artillerie. Il n'existe que cinq lettres de la correspondance de Frédéric avec de Beausobre. Nous donnons la lettre du Prince royal, du 8 janvier, d'après l'autographe qu'en possède M. Benoni Friedländer; la lettre du 30 janvier est tirée de l'ouvrage de Formey, Souvenirs d'un citoyen, t. I, p. 12; les lettres de M. de Beausobre, du 1er octobre et du 15 novembre, sont la reproduction d'autographes qui font partie des collections de feu madame la comtesse d'Itzenplitz-Friedland; enfin, le texte de la troisième lettre de M. de Beausobre est celui de l'autographe des archives royales du Cabinet.

IX. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC M. DE CAMAS. (24 juin 1734 - 28 mars 1740.)

Paul-Henri TilioX-b de Camas, né à Wésel en 1688, entra fort jeune dans l'armée prussienne. Il fit, en qualité de lieutenant au régiment de Varenne (no 13), les campagnes d'Italie sous les ordres du prince Léopold d'Anhalt-Dessau. Il perdit le bras gauche au siége de Pizzighetone, en 1706. Le 2 juin 1725, il devint major dans son ancien régiment, dont le comte Dönhoff était alors le chef, et qui tenait garnison à Berlin. Au mois de mai 1734, il passa dans le régiment d'infanterie de Schwerin (no 24), en garnison à Francfort-sur-l'Oder; le 29 mai 1738 il devint colonel, et le 6 juillet 1740 chef du 37e régiment. Il mourut à Breslau, d'une fièvre chaude, le 14 avril 1741. Lui et sa respectable femme étaient admis dans l'intimité du Roi, qui entretint avec eux un commerce épistolaire des plus <XI>intéressants. La correspondance avec madame de Camas sera imprimée dans le dix-huitième volume. Cette correspondance, ainsi que celle avec M. de Camas, a été publiée sous le titre de Lettres inédites, ou Correspondance de Frédéric II, roi de Prusse, avec monsieur et madame de Camas. Pour servir de suite à ses Œuvres. A Berlin, 1802, cent trente-six pages in-8. En réimprimant ces lettres, nous avons le bonheur de pouvoir les augmenter, les corriger et les dater plus exactement, d'après les originaux conservés aux archives royales du Cabinet. Il y en a quarante-deux de Frédéric et une du colonel de Camas. A la lettre de Frédéric, du 18 mars 1740, est jointe l'Ode sur la flatterie, dont nous avons donné une autre leçon t. X, p. 19-24. La première et la treizième lettres de l'édition de 1802, du 24 juin 1734 et du 26 janvier 1737 (les numéros 1 et 13 de noire édition), manquent aux archives. Voyez t. XI, p. 274.

X. LETTRE DE FRÉDÉRIC A CHRÉTIEN WOLFF. (23 mai 1740.)

Chrétien Wolff, né à Breslau le 24 janvier 1679, mourut à Halle le 9 avril 1754. Frédéric étudia dans sa jeunesse la Métaphysique de ce philosophe, traduite pour cet effet en français par M. de Suhm. Il parle souvent de Wolff dans ses ouvrages; p. e. t. I, p. 263 et 268; t. II, p. 43; t. VII, p. 121; et t. IX, p. 137. Il exprime dans sa correspondance avec Suhm et avec Voltaire son contentement de ce que la Logique du philosophe allemand avait été traduite en français par M. des Champs et sa Morale par M. Jordan,XI-a Wolff dédia au Prince royal le premier volume de son Jus naturae methodo scientifica pertractum, dont la dédicace est datée : Marpurgi-Cattorum, die XX Aprilis MDCCXL. Frédéric l'en remercia par sa lettre du 23 mai, que nous avons tirée de l'ouvrage de Gottsched intitulé : Historische Lobschrift des Freiherrn von Wolff. Halle, 1755, in-4, p. 107. Dans l'ouvrage de Henri Wuttke, Christian Wolffs eigene Lebensbeschreibung. Leipzig, 1841, p. 72, cette lettre est datée : A Ruppin, ce 22 de mai 1740; dans l'ouvrage de Gottsched, la copie française, p. 107, et la traduction allemande de la même lettre, p. 108, portent la date : Le 23 de mai 1740.

<XII>

XI. LETTRES DE FRÉDÉRIC A M. ELLER. (3, 13 et 25 mai 1740)

Jean-Théodore Eller de Brockhusen naquit le 29 novembre 1689 v. st. à Plötzkau, dans la principauté d'Anhalt-Bernbourg, et mourut à Berlin, le 13 septembre 1760, conseiller intime, membre de l'Académie des sciences et premier médecin ordinaire du Roi. Voyez t. II, p. 39, et, ci-dessous, p. 177, la lettre de Frédéric au colonel de Gamas, du 29 janvier 1789. Les trois lettres que Frédéric adressa à M. Eller pendant la dernière maladie du Roi son père ont été imprimées dans le journal de Biester, Neue Berlinische Monatschrift. Mai 1801, p. 325-328. Notre texte est tiré d'autographes qui nous ont été communiqués par M. le docteur Augustin, à Potsdam, à qui ils appartiennent.

XII. CORRESPONDANCE DE FREDERIC AVEC MADAME DE ROCOULLE. (23 novembre 1737 - juin 1740.)

Marthe Du Val, qui avait épousé en premières noces Ésaïe Du Maz de Montbail, est plus connue sous le nom de son second mari, Jacques de Pelet, seigneur de Rocoulle, mort à Berlin, en 1698, colonel des grands mousquetaires. Elle fut nommée gouvernante des enfants de Prusse par brevet daté de Berlin, 2 mai 1714. A l'expiration de ses fonctions, elle resta attachée à la cour; elle était très-estimée de son élève Frédéric et de toute la famille royale. Elle mourut à Berlin le 2 octobre 1741 âgée de quatre-vingt-deux ans, laissant une fille du premier lit, mademoiselle Marthe de Montbail.

L'ouvrage de Charles Müchler, Friedrich der Grosse. Zur richtigen Würdigung seines Herzens und Geistes. Berlin, 1834, renferme, p. 18 et 19, une lettre de Frédéric à madame de Rocoulle, datée de Rheinsberg, 23 novembre 1737; mais ce n'en est que la traduction allemande, que nous reproduisons. La lettre du Roi, du 17 février 1738, est tirée des Souvenirs d'un citoyen, par Former, t. I, p. 20 à 22. Quant aux deux lettres de madame de Rocoulle, nous en avons pris copie aux archives royales du Cabinet.

<XIII>Nous ajoutons à cette correspondance une lettre de Frédéric à mademoiselle Marthe de Montbail, du 9 octobre 1741, que nous avons trouvée dans les Chirographa personarum celebrium, e collectione Christoph. Theoph. de Murr, Vinariae, 1804, fol. Missus I, p. 9 et tab. VII.

XIII. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC FONTENELLE. (20 mars 1737 - 23 juin 1740.)

Bernard Le Bovier de Fontanelle, né le 11 février 1657, mourut avec toute sa connaissance le 9 janvier 1757. Ses Entretiens sur la pluralité des mondes, publiés en 1686, étaient un des livres favoris de Frédéric dans sa jeunesse, et ils lui plurent à tel point, que, dans sa lettre à Suhm, du 26 août 1736, il félicite la France de posséder un tel génie. Il parle aussi fort avantageusement de Fontenelle dans l'Histoire de mon temps. « La Pluralité des mondes et les Lettres persanes, dit-il (t. II, p. 42), sont d'un genre inconnu à l'antiquité; ces écrits passeront à la postérité la plus reculée. » Enfin, il lui rend l'hommage le plus flatteur dans l'Avant-propos sur la Henriade (t. VIII, p. 55), dans l'Épître sur la nécessité de remplir le vide de l'âme par l'étude (t. XIV, p. 99), dans l'Éloge de Jordan (t. VII, p. 6), et dans la neuvième Épître familière, A Maupertuis (t. XI, p. 57). Ces passages nous montrent la reconnaissance du Prince royal pour cet auteur et le besoin qu'il éprouvait de l'épancher. Cependant sa correspondance avec Fontenelle ne semble pas avoir été très-suivie. Il ne nous en reste que quatre lettres de l'écrivain français, qui se trouvent dans les Œuvres posthumes, Berlin, 1788, t. XV, p. 287-244, et que nous reproduisons. La seule lettre de Frédéric à Fontenelle que nous connaissions (l. c. t. XII, p. 63) est mal datée; au lieu de 1731 il faut lire 1738 ou 1739.

XIV. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE COMTE DE SCHAUMBOURG-LIPPE. (26 juillet 1738 - 24 août 1740.)

Le comte Albert-Wolfgang de Schaumbourg-Lippe naquit le 27 avril 1699; il commença à régner le 13 juin 1728, et mourut le 24 septembre 1748. Il <XIV>eut de sa première femme, née comtesse d'Oeynhausen, le comte Frédéric-Guillaume-Ernest, son successeur, dont il a été fait mention t. V, p. 9 et 116. L'intimité et la correspondance de Frédéric avec le comte Albert-Wolfgang datent du mois de juillet 1738; elles durent leur origine à la commission que le Prince royal lui avait donnée, en passant par Minden, d'arranger sa réception dans l'ordre des francs-maçons. Les vingt-deux lettres de Frédéric, que nous devons aux archives de Buckebourg, font connaître l'amitié qui unissait le Prince royal et le comte; mais le désordre des affaires économiques de ce dernier rebuta le Roi peu après son avénement. A partir de ce temps, l'intimité parait tout à fait refroidie. Il existe aux archives royales de Berlin une quantité de lettres du comte au Roi, de l'an 1740 au 31 août 1747 dont nous n'avons cru devoir admettre que quatre dans notre collection, parce qu'elles sont relatives à des lettres de Frédéric, qui d'ailleurs n'écrivait déjà plus au comte que par l'intermédiaire de ses secrétaires et en vagues compliments. Frédéric se moque du comte dans le Discours sur la fausseté (t. XI, p. 92), où il dit :

Aussi fou que la Lippe avec les jeunes gens. etc.

XV. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC ROLLIN. (22 janvier 1737 - 23 octobre 1740.)

Charles Rollin, né à Paris le 30 janvier 1661, y mourut le 14 septembre 1741. Son traité De la manière d'enseigner et d'étudier les belles-lettres par rapport à l'esprit et au cœur fut publié en quatre volumes, de 1726 à 1728; son Histoire ancienne des Égyptiens, des Carthaginois, des Assyriens, des Babyloniens, des Mèdes et des Perses, des Macédoniens et des Grecs, parut de 1730 à 1738, en treize volumes. Son Histoire romaine, dont il n'acheva que les cinq premiers volumes, fut publiée de 1738 à 1741. Frédéric étudia beaucoup tous ces ouvrages, dont il estimait fort l'auteur. Voyez t. IX, p. 91, t. XIV, p. 4 et 54, et ci-dessous, p. 115. Plus tard il taxa Rollin de bigoterie, parce qu'il avait dit que les païens ne pouvaient pas avoir été aussi vertueux que les chrétiens.XIV-a

<XV>La correspondance de Frédéric avec Rollin, que nous réimprimons, se compose de dix-sept lettres, et fait partie des Opuscules de feu M. Rollin, ancien recteur de l'université de Paris. A Paris, 1772, deux volumes in-8, t. 1, p. 83-114. Il a paru une contrefaçon de l'édition authentique de cette correspondance, accompagnée d'une traduction allemande, sous le titre de : Briefwechsel zwischen Rollin und dem Könige von Preussen. Französisch und deutsch. Nebst Rollins Leben, von Dr. Just Friedrich Froriep. Gotha, 1781, cent vingt-huit pages in-8. L'édition des Œuvres du Roi, A Berlin, 1788, donne deux lettres de Frédéric à Rollin dans les Œuvres posthumes, t. XII, p. 64-68, cinq lettres de Frédéric dans le Supplément, t. III, p. 19-24, et huit lettres de Rollin à Frédéric dans les Œuvres posthumes t. XV, p. 245-260. Les deux compliments que le Roi fit faire à Rollin par Thieriot, son agent littéraire à Paris, manquent dans l'édition de Berlin.

XVI. CORRESPONDANCE DE FREDERIC AVEC M. DE SUHM. (13 mars 1736 - 3 novembre 1740.)

Ulric-Frédéric de Suhm, né à Dresde le 29 avril 1691, mourut à Varsovie le 8 novembre 1740. Sa correspondance avec le Roi a été publiée pour la première fois sous le titre de Correspondante familière et amicale de Frédéric II, roi de Prusse, avec U.-F. de Suhm, conseiller intime de l'électeur de Saxe, et son envoyé extraordinaire aux cours de Berlin et de Pétersbourg. A Berlin, chez Frédéric Vieweg l'aîné, libraire, rue des Frères, 1787XV-a quatre cent quatre-ving-quinze pages in-8, contenant cent quatre (cent neuf) lettres,XV-b dont cinquante-sept de Frédéric. L'éditeur, Louis-Henri-Ferdinand d'Olivier, neveu de la belle-fille de M. de Suhm, était professeur au Philantropin de Dessau. Nous reproduisons cette édition, en y rectifiant quelques noms et en en élaguant les nombreuses notes. Nous y ajoutons quelques lettres de Suhm avec les réponses de Frédéric, conservées aux archives royales du Cabinet, à Berlin, en tout huit pièces inédites, datées de l'an <XVI>1740 (numéros 107-110 et 112-115 de notre édition). Nous donnons, à la suite de cette correspondance, une lettre de Frédéric au frère de M. de Suhm, du 26 novembre 1740, que nous avons également copiée aux archives royales.

Outre la Table des matières, nous ajoutons à ce volume une Table chronologique de toutes les lettres contenues dans les seize groupes dont nous venons de faire l'émunération.

Berlin, ce 7 mai 1850.

J.-D.-E. Preuss,
Historiographe de Brandebourg.


IX-a Voyez ci-dessous, p. 167, 206 et 207.

IX-b Voyez t. VIII, p. 299.

V-a Voyez t. I, p. xx.

VIII-a Ce sont les numéros 2, 5, 6, 7, 12 (avec la lettre de mademoiselle de Grumbkow), 20, 22, 28, 29, 33, 38, 40, 43, 46 et 50 de la collection de Förster, ou les numéros 1, 4, 5, 6, 12 (avec la lettre de mademoiselle de Grumbkow), 19, 21, 27, 29, 32, 37, 39, 42, 45 et 49 de notre édition.

X-a Voyez ci-dessous, p. 115-117, la lettre de Frédéric au comte de Manteuffel, du 11 mars 1736.

X-b Ou, selon d'autres, Tiliote.

XI-a Voyez ci-dessous, p. 304, et la lettre de Frédéric à Voltaire, du 8 février 1737.

XIV-a Voyez Les Délassements littéraires, ou Heures de lecture de Frédéric II, par C. Dantal, ci-devant son lecteur. Elbing, 1791, p. 21, 31 et 32. Voyez aussi la lettre de Jordan à Frédéric, du 11 octobre 1741.

XV-a Il y a des exemplaires de la même impression de cet ouvrage qui portent, au bas du titre : A Vienne, chez Jean-David Hœrling, 1787.

XV-b Trois des lettres de Frédéric (p. 344, 353 et 355) et une de Suhm (p. 353) ne sont pas du tout numérotées, et le numéro LXXXVII se trouve à double, en tête des deux lettres de Suhm, du 6 et du 28 novembre 1739.