4. DE M. DE GRUMBKOW.

20 février 1732.

A la fin le Roi m'a parlé avant-hier, me faisant promener avec lui dans le parc, et il me dit toutes les raisons de ce qu'il faisait par rapport au mariage en question, avec des raisons si sérieuses et si solides, que je n'en pus pas disconvenir, d'autant plus qu'il me dit que V. A. R. lui avait répondu que V. A. R. obéirait, mais qu'elle demandait de voir la personne en question, à quoi je persistai beaucoup. Il serait trop long de faire un rapport de cette conversation, qui demanderait plusieurs pages. Les cinq points sur lesquels j'insistai furent : 1o de ne vous pas presser de vous promettre d'abord, mais de vous donner le temps de connaître la personne en question, ce qui fut accordé; 2o de ne pas presser le mariage, ce qui fut aussi accordé; 3o de vous donner toute sa confiance, et de vous considérer, pas comme son fils, mais comme son ami. Le Roi dit : S'il est tel que vous me le dépeignez, cela arrivera sûrement; mais je crains que cela ne soit pas de durée. Pour moi, je comprends, dit-il, qu'il ne faut pas que nous soyons toujours ensemble; aussi il aura son ménage à part, et ce sera alors quelque chose de nouveau pour nous quand nous nous verrons. 4o J'ai prié le Roi de ménager V. A. R. et de tout faire avec douceur;<46> que par raisonnement et douceur on faisait tout avec elle; ce que le Roi goûta aussi. 5o Que le Roi vous devait occuper et donner des occasions de voyager et de voir le monde; sur quoi le Roi me dit que cela serait selon la conduite de V. A. R. Enfin, mille autres particularités que je me réserve de dire de bouche.

Ce midi, avant que de se mettre à table, le Roi me dit : Tenez, lisez. Et c'était une lettre de V. A. R., où elle consent à tout sans réserve. Le Roi me dit : Qu'en dites-vous? Je dis : Eh bien, Sire, que dites-vous de ce fils obéissant? que pouvez-vous demander davantage? Il me dit, les larmes aux yeux : C'est le jour le plus heureux que j'aie goûté de ma vie; et il s'en alla avec le duc de Bevern, et entra avec lui dans la chambre voisine, et ils s'embrassèrent beaucoup. Je n'ai jamais vu le Roi si content. Nous allâmes l'après-midi à la maison hollandaise du parc, où la Reine donna le café. Il n'y avait que la Reine, la Duchesse, la princesse Charlotte et la princesse de Bevern, et j'avoue qu'elle a changé beaucoup à son avantage, et que plus qu'on la voit, plus qu'on s'y accoutume, et plus qu'on la trouve jolie, et une couche de la grand'mère, et si l'embonpoint vient, et la gorge, qui se montre déjà, alors elle sera appétissante.