2. AU MÊME.
Rheinsberg, 30 janvier 1737.
Monseigneur
L'ode130-a qui accompagne cette lettre, et que je viens d'achever, m'a semblé assez convenable à vous être envoyée, à cause de la matière qu'elle traite. Il s'agit des bontés dont le Créateur nous comble sans mesure; c'est un lieu commun, à la vérité, mais qui peut-être ne vous paraîtra point tel quand vous jetterez les yeux sur cette pièce.
Je me suis efforcé de peindre Dieu tel que je le crois, et tel qu'il est. La bonté fait son caractère, je ne le connais que par ses grâces; comment pourrais-je le défigurer malicieusement et lui donner un caractère barbare et cruel, tandis que tout ce qui m'entoure me parle de ses faveurs? Ma plume, bien loin de démentir mon cœur, tâche de le seconder de toutes ses forces; je tâche de rendre Dieu aussi aimable aux autres qu'il me paraît, et de leur inspirer la même reconnaissance pour ses bienfaits dont je me sens pénétré. Je vais même plus loin; j'ose entreprendre l'apologie de Dieu, en cas qu'il n'ait pas<131> trouvé à propos d'accorder l'immortalité à l'âme, et je finis par alluder du bien qu'il me fait à présent sur celui qu'il me fera dans l'avenir. Voilà l'abrégé du plan que je me suis proposé; c'est à vous à voir si je l'ai bien rempli. Je sens bien qu'il n'est pas possible à de faibles mortels de parler dignement du créateur du ciel et de la terre : je sens mon insuffisance sur cette matière; mais bien loin de me rebuter par là, je m'anime de nouveau à marquer ma vive reconnaissance au Dieu de qui je tiens tout, et envers qui personne ne peut jamais satisfaire à tous ses devoirs.
Vous trouverez peut-être des endroits dans cette ode qui ne vous paraîtront pas conformes à la confession d'Augsbourg; mais j'espère bien, monsieur, que vous croirez que l'on n'a pas besoin de Luther et de Calvin pour aimer Dieu.
Je suis avec beaucoup d'estime,
Monsieur,
Votre très-affectionné
Frederic.
130-a Voyez t. XIV, p. III. no III, et p. 7-19.