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9. AU MÊME.

Berlin, 1er janvier 1736.

Je vous suis infiniment obligé, mon cher Camas, de tous les bons souhaits que vous me faites pour la nouvelle année; ils me sont d'autant plus agréables, que je suis très-persuadé qu'ils sont sincères. Si le premier jour de l'an, selon la tradition vulgaire, est la préfiguration du reste de l'année, je m'attends de faire dans celle-ci de grands progrès dans l'école de l'adversité. Je l'ai commencée malade de corps et l'esprit affligé. Une colique inhumaine me talonne depuis quelque temps très-rudement; elle me mine, et si elle continue en augmentant, je puis pronostiquer facilement à quoi elle me mènera. Avec cela, j'ai une juste cause d'affliction, qui m'est sensible jusqu'au fond du cœur; elle ne vient point d'ici, mais d'autre part; cela me dévore, et d'autant plus, que je cache mon chagrin. Vous qui mé connaissez, vous pourrez juger si je suis capable de résister à ces doubles attaques de la sorte. Cependant je traîne ma figure tant que je puis, et jusqu'à ce que je me sente vaincu. Il me semble pourtant que cela me soulage de vous avoir fait part de mes maux. Je vous prie d'y entrer, et de ne me point prêcher ni une morale au-dessus de ma portée, ni un héroïsme qui me rende insensible aux événements de la vie. J'ai le cœur tendre et compatissant, et je sens les malheurs qui arrivent à mes amis aussi fort que s'ils m'arrivaient à moi-même. Enfin je vous en dirais trop, et insensiblement, sans y penser, je pourrais vous découvrir de quoi il s'agit, ayant une fois résolu de garder le secret sur cet article, non par défiance de votre discrétion, mais parce qu'on juge différemment des causes des chagrins d'autrui. L'un vous taxe de ridicule de vous affliger; l'autre dit que cela n'en vaut point la peine; enfin chacun sait lui-même où le soulier le blesse, et suffit qu'il le sache, il faut se taire.

<149>Adieu, mon cher Camas; mes compliments à la femme. Aimez-moi toujours un peu, je vous en prie, et comptez bien sur la parfaite estime que j'ai pour vous.

Frederic.