3. DE M. DE SUHM.
Berlin, 21 mars 1736.
Monseigneur
J'étais dans une grande inquiétude sur le succès du premier chapitre de ma traduction, craignant avec raison que V. A. R. ne trouvât que je lui faisais lire de l'allemand en français. Mais la lettre par laquelle il a plu à V. A. R. de me combler des témoignages de sa bienveillance m'a fait voir que mon empressement à remplir ses volontés me tient lieu de mérite, et que sa pénétration aura suppléé aux défauts de ma traduction. Je ne suis donc plus en peine de mon petit ouvrage; me voilà suffisamment encouragé pour aller jusqu'au bout. La continuation que j'ai l'honneur de vous envoyer, monseigneur, vous témoignera le zèle avec lequel je vais y travailler.
Je me suis aperçu que l'objection des matérialistes, qui prétendent que c'est l'orgueil des hommes qui les a séduits à s'attribuer une âme,<276> avait beaucoup frappé V. A. R., et que c'est sa grande, son excessive modestie qui la retenait dans le doute. Que de difficultés ne trouvera donc pas à surmonter notre philosophe lorsque, traitant de la subordination des âmes, il voudra démontrer à V. A. R., avec tant d'évidence, la supériorité de la sienne! Et cependant l'expérience la lui prouve journellement, et elle-même en donne chaque jour les plus évidentes preuves dans la préférence qu'elle adjuge à cette supériorité d'âme sur celle que lui a donnée le rang et la naissance.
Je me jette aux pieds de V. A. R. pour lui dire que je suis si pénétré des bontés dont elle m'honore, que je ne trouve aucun terme digne d'exprimer les respectueux sentiments avec lesquels je serai jusqu'à la fin de ma vie, etc.