Dessau, 12 mai 1785.
Sire,
Sentant approcher la fin de ma vie, je viens me jeter aux pieds de Votre Majesté pour lui demander une dernière grâce. Daignez écouter favorablement la prière que j'ose d'une voix faible élever jusqu'à vous. Les trois fils dont le ciel m'a béni sont entrés successivement depuis deux ans dans le service de V. M. Ils sont encore porte-enseigne, l'aîné dans le régiment d'Erlach, le second dans le régiment de Below, et le troisième encore surnuméraire dans le régiment du défunt prince Léopold de Brunswic. Avant que de détacher mon cœur des liens paternels, je viens m'acquitter des derniers devoirs que la nature m'imposa envers eux, je viens implorer vos bontés pour eux. Ah! laissez votre grande âme s'attendrir à la prière d'un père mourant et encore inquiet sur leur sort. Laissez-moi emporter au tombeau la douce consolation d'avoir contribué à leur bonheur jusqu'à mon dernier soupir. Daignez, grand monarque, vous souvenir d'eux dans l'occasion. Favorisez-les autant que la justice, conciliée avec votre bonté royale, pourra le permettre. Daignez les recommander à leurs supérieurs, afin que ceux-ci les exhortent à marcher dans le chemin de l'honneur et de la vertu. Enfin, si le souvenir d'un nom qui jadis vous fut cher peut être une excuse pour tant de hardiesse, souffrez, grand roi, que je les remette entre vos mains paternelles pour les consoler de celles qu'ils vont perdre.
Daignez, Sire, exaucer mon humble prière, et m'en donner une consolante assurance avant, s'il se peut, que le Tout-Puissant trouve bon de me retirer de ce<447> monde. Ce dernier bienfait du plus grand roi remplira mon âme, à la mort, de la plus douce paix, et je porterai aux pieds du Très-Haut les vœux de mon éternelle reconnaissance.
Sire, je descends dans la tombe avec les sentiments de vénération, de reconnaissance et de respect
du plus soumis et du plus fidèle sujet,
U.-E.-P. de Suhm.