<116>Pour ne vous pas distraire plus longtemps de votre laborieuse étude, je finis une lettre que vous trouverez peut-être déjà trop longue, en vous assurant qu'une autre fois j'userai plus du vertatur stilus. Soyez persuadé que, malgré tous les petits reproches que je viens de vous faire, on vous estime autant dans mon camp qu'on pourrait vous priser au Portique ou au Lycée, et que, dans mon petit particulier, les qualités de l'ami effaceront les défauts du poltron. Adieu.
57. DE M. JORDAN.
Breslau, 8 mai 1741.
Sire,
J'ai reçu la lettre dont il a plu à Votre Majesté de m'honorer; c'est la première qui m'ait causé de la douleur. Je n'en ai pas l'obligation à ma mauvaise étoile.
Je n'ai quitté le camp que lorsque V. M. m'a ordonné de le quitter; si j'ai fait connaître quelque sentiment de crainte, c'est une preuve que j'ai été plus naturel que prudent. D'ailleurs, à quoi m'aurait servi de cacher des faiblesses qui n'auraient pu échapper aux yeux clairvoyants de V. M., qui a la bonté de supporter les hommes tels qu'ils sont, et de conniver à mes défauts?
L'histoire du médecin de Breslau, débitée à V. M., serait fort jolie, si elle ne regardait pas un homme qui n'a de maladie que celle d'aimer trop le genre humain et de penser tristement.
Je n'attends que les ordres de V. M. pour me mettre à ses pieds, pour avouer ma faiblesse, et pour l'assurer du zèle et du respect profond avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.