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114. DE M. JORDAN.

Berlin, 6 avril 1742.



Sire,

J'ai été enchanté des derniers vers qu'il a plu à Votre Majesté de m'envoyer. Quelque accoutumé que je sois à être surpris de vos talents, je ne puis cependant comprendre

Comment on peut, en occupant le trône,
Faisant tapage en l'univers,
N'ayant de soins que pour Mars et Bellone,
Avoir esprit et faire de beaux vers.

Le Pégase de V. M. est infatigable, et ce qui me fait donner au diable, c'est qu'il ne bronche point dans son allure. Celui des autres est haletant dès qu'il est un peu fatigué. Il n'en est pas de même du vôtre.

Je sais qu'Apollon le protége;
Le mien ne peut souffrir les lois
D'un pas régulier de manége,
Qu'il ne soit d'abord aux abois.

J'ai beau lui donner de l'éperon dans les reins, il est aussi immobile que le cheval de Troie; j'ai beau lire vos vers pour animer mon esprit et pour le monter sur le bon ton, tout devient inutile.

J'ai beau m'asseoir sur fauteuil velouté
Qui, suivant vous, ressemble au Pinde,
Mon esprit est toujours rétif et dégoûté
De voir qu'en vain il se gêne et se guinde.

Ma vieille raison vient alors à mon secours, qui me conseille de ne plus faire de vers, et de me contenter de la prose. Je lui réponds dans l'accès de ma colère :

Apprenez, raison, à vous taire;
Mon héros veut absolument