<20> se lassent jamais de blasphémer contre l'Apollon de la France. J'ai fait écrire à Thieriot que je voulais avoir ce libelle, quelque affreux qu'il pût être; mais il ne me l'a pas envoyé encore. Lorsqu'on s'intéresse autant à quelqu'un que je le fais à M. de Voltaire, tout ce qui peut le regarder, d'une manière relative ou directe, devient intéressant; et quelque répugnance que j'aie à lire ces écrits qui sont l'opprobre de l'humanité et la honte des lettres, je me suis néanmoins imposé cette pénitence, afin d'être instruit des faits qui attirent ordinairement des suites après eux, et qui tiennent à une infinité de particularités et d'anecdotes. Thieriot m'a envoyé la copie de la lettre qu'il vous a adressée. Autant que j'en puis juger, Thieriot n'est point malicieux; mais, s'il biaise, ce n'est que par faiblesse et par timidité. Vous verrez, par la copie de ce que je lui ai fait écrire, que je lui ai fait sentir quels sont les devoirs d'un honnête homme, et que la probité et la reconnaissance sont des vertus si indispensables, que, sans elles, les hommes seraient pires que les monstres les plus affreux. Thieriot s'amendera, madame; il ne fallait que lui montrer ses devoirs et lui inspirer des sentiments. Vous n'avez à Cirey devant vos yeux que des vertus héroïques. Mais souvenez-vous que tout le monde n'est pas héros, et que le pauvre Thieriot ne peut être compté qu'au nombre de ces faibles mortels dont la vertu n'est que comme un thermomètre qui a besoin d'être échauffé par l'exemple d'une vertu supérieure pour se monter sur le même ton.
J'ai lu le mémoire du digne Voltaire, et j'ai déploré le temps précieux qu'il a employé à le composer. Si la réputation du chantre de la Henriade, de l'auteur de l'Histoire de Charles XII, du traducteur de Newton, n'était que d'un jour, il ferait assurément bien de se justifier et de se laver du venin de la calomnie aux yeux du public, comme le ferait un homme inconnu auquel ce public aurait pu faire injustice. Mais il me semble que M. de Voltaire est bien loin d'être dans ce cas; il est connu généralement, l'univers entier a ses ouvrages