<209> comparaison ne cadre qu'autant que la conclusion lui est annexée. Ce qui me console et me justifie, c'est que souvent l'eau de l'Hippocrène, quand je la puise, est fort trouble, et que je ne connais point l'art de la tirer au clair. V. M. fait, en me louant, ce qu'on fait à un perroquet auquel on donne du sucre.
Souvent par telle nourriture
On fait jaser son perroquet;
Je vous tiens lieu, par mon caquet,
D'animal de cette nature.
Qu'importe? Pourvu que j'aie l'honneur d'amuser V. M., je suis content; d'ailleurs, j'en tire un avantage réel, c'est que je reçois des lettres pleines d'esprit et de vers, qui sont charmantes,
Marquées au coin de Chaulieu,
A ce bon coin qui rend inimitable,
Qui vous fait chérir de ce dieu
Que servent les neuf Sœurs, à ce que dit la Fable.
Tout le monde ne peut pas posséder cette prérogative. Il en est de la poésie comme du courage. Tous les hommes ne sont pas braves; aussi tous les hommes ne sont-ils pas poëtes. La nature fait un homme brave, comme elle fait un homme avec des talents supérieurs pour la poésie. Un poltron peut faire une action de valeur, au moins à ce que l'on m'a dit, car je ne le sais point par ma propre expérience. Un homme qui n'est pas né poëte peut faire une fois en sa vie quelques bons vers, parce que la nature se plaît quelquefois à faire de l'extraordinaire. Je me rends justice sur la prudence, en avouant que je possède cette qualité.
Je n'eus jamais occasion
De faire essai de mon courage.
Peut-être en ai-je davantage
Qu'Annibal ou que Scipion;
Mais, soit prudence, ou modestie,