<238>Adieu, cher Jordan; n'oublie point ton ami, et conserve-moi dans ton cœur avec toute la fidélité qu'Oreste devait à Pylade.
141. DE M. JORDAN.
Sire,
On est impatient de voir l'effet que la dernière victoire aura produit. La Gazette de Leyde marquait que cette nouvelle avait causé de la consternation dans l'esprit du peuple anglais. On cherche en Hollande à se persuader que cette bataille n'est point décisive. On dit, avec tout cela, qu'il y a un peu de mésintelligence entre la Hollande et l'Angleterre. On ne comprend point les raisons du cantonnement. Voilà des nouvelles échappées par hasard de la bouche des maîtres politiques, qui souvent sont aussi silencieux que l'étaient autrefois les disciples de Pythagore.
Les réflexions que fait V. M. sur les révolutions qu'un seul homme peut occasionner sont également justes et ingénieuses. Je parlerai franchement à V. M. Ces révolutions ne m'ont pas surpris. Je n'ai pas eu l'honneur de lui faire ma cour pendant quatre semaines, que j'ai été convaincu que V. M. était destinée à faire de grandes choses. Tout le monde était alarmé de voir une guerre au commencement du règne de V. M., parce qu'on ne prévoyait pas que cette carrière serait glorieusement parcourue. V. M. a fait voir à l'Europe ses talents dans l'art militaire et dans la politique. V. M. montrera toujours à son peuple que, si elle sait être le destructeur acharné de ses ennemis, elle sait aussi être le père tendre de ses peuples. V. M. a, par cette guerre, montré qu'on ne l'attaque point impunément, et qu'elle a des troupes redoutables.