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184. A M. JORDAN.

(1744.)

Federicus Jordano, salut. Je te plains, mon cher ami, de ce que tu es encore malade. Je m'intéresse véritablement à ton individu, et je ne sais pourquoi, mais je voudrais que Jordan se portât bien. Ne sois pas inquiet de ce qui me regarde. Nos affaires vont, grâce au ciel, bien; et quant à ma personne, c'est si peu de chose dans l'univers, qu'à peine peut-il s'apercevoir que les atomes qui me composent existent. Tu trouveras ce trait bien métaphysique, mais tu sais que la guerre ne détruit les arts que lorsque ce sont des barbares qui la font. Nous serons dans quelques jours à Prague, où les affaires commenceront à devenir sérieuses. Nous en tirerons bon parti, et je me persuade que, à l'égard de notre militaire, rien ne ternira la réputation des troupes. Nous avons eu bien des fatigues, de mauvais chemins, et un temps bien plus mauvais encore; mais qu'est-ce que la fatigue, les soins et le danger, en comparaison de la gloire? C'est une passion si folle, que je ne conçois point comment elle ne tourne pas la tête à tout le monde.

Tu ne connais jusqu'à ce jour
Que le contentement de boire,
Et tu préféras à la gloire
Les touchants plaisirs de l'amour.

Adieu; en voilà assez. Écris-moi souvent, et sois persuadé que je t'aime toujours, et que, raillerie à part, je m'intéresse à ton bien et à ton bonheur autant et plus que ne le peuvent faire les Boistiger, les Achard, etc., etc., etc.