<336>Il semble que de tout temps il y a eu deux méthodes sur lesquelles on s'est conduit pour faire la guerre, qui ont toutes deux leurs avantages. Les Romains ont suivi l'une, et tous les peuples de l'Asie et de l'Afrique, l'autre. La première suppose une discipline exacte, et assure des conquêtes solides; la seconde se fait par incursion qui n'est que momentanée. L'on ne peut employer ces deux méthodes qu'avec les troupes qui y sont propres et composées à cet effet. Annibal a été le premier qui a formé son infanterie en légions romaines et conservé sa cavalerie numide sur le pied où elle était; aussi ne doit-on attribuer les prodigieux succès qu'il a eus contre les Romains qu'à son habileté d'allier ces deux méthodes.
V. M. a pu voir, dans le cours de cette guerre, quel avantage on peut tirer des troupes légères, et elle y a remédié autant qu'elle a pu.
Les Autrichiens ne doivent uniquement qu'à ce moyen, qu'ils ont su très-bien employer, leur salut; sans cela V. M. les aurait chassés, il y a déjà longtemps, de l'Allemagne. Pardonnez, Sire, si j'ai osé prendre la liberté de lui dire si librement ma pensée là-dessus; mais elle m'y a autorisé par la bonté qu'elle a eue de me parler de la difficulté qu'elle a rencontrée de subsister en Bohême pendant cette campagne et les différents événements de la précédente.
Je supplie V. M. d'agréer les assurances du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, etc.
Maurice de Saxe.