<78> deux choses qui m'ont toujours beaucoup tenu à cœur, savoir : Voltaire, et des troupes françaises. Si je n'avais pas eu la fièvre, j'aurais été à Anvers et à Bruxelles, j'aurais vu le Brabant et cette Émilie si aimable et si savante. On en dit beaucoup de bien, d'ailleurs, et ce que j'en dis ne regarde que son livre, qu'elle aurait pu s'épargner.
Adieu, très-savant, très-docte, très-profond Jordan, ou plutôt très-galant, très-aimable et très-jovial Jordan; je te salue en t'assurant de tous ces vieux sentiments que tu sais inspirer à tous ceux qui te connaissent comme moi. Vale.
J'écris le moment de mon arrivée; ami, sais-m'en gré, car j'ai travaillé et je vais travailler encore comme un Turc, ou comme un Jordan.
19. AU MÊME.
Ruppin, 28 novembre 1740.
Seigneur Jordan, te voilà riche en incluses; j'espère que tu les délivreras toutes. Tu verras encore sûrement des scènes, à Berlin, qui nous divertiront tous deux. Mande-moi ce que tu sais et ce que tu ne sais pas; des nouvelles du poëte,a des nouvelles de l'Italien,b de politique, de littérature, du bavardage, enfin tout ce que tes oreilles entendent, et ce que tes yeux voient. Rien n'est indifférent dans un temps de crise, et les bagatelles tiennent quelquefois de plus près aux grandes choses qu'on ne le pense.
Je travaille ici, et, pour me délasser, je fais des vers les plus fous du monde. Je serai vendredi après midi à Berlin, où j'aurai le bonheur d'entendre Jordan.
a Voltaire.
b Algarotti.