<82>Le mot de manifeste termine à présent presque toutes les conversations; on veut qu'il en paraisse un aujourd'hui, qui ne doit être que la préface d'une ample déduction à laquelle un jurisconsulte travaille. On court chez les libraires, comme on s'empresse à voir un phénomène céleste qu'on aurait annoncé. Voilà le début de ma gazette, qui ne peut être placée aux pieds sacrés de V. M. que deux fois la semaine, vu l'arrangement des postes.
Je passerai la matinée de vendredi en prières et en oraisons; les astronomes prétendent que Mars entrera ce jour-là dans la constellation de la double Aigle.
J'ai l'honneur d'être avec un très-profond respect, etc.
23. DU MÊME.
Berlin, 17 décembre 1740.
Sire,
Le manifeste enfin paraît; tout le monde est surpris de sa brièveté. On attendait et on voulait une déduction ample et circonstanciée; et au lieu de cela, on reçoit un compliment fait aux puissances, que l'on croit fort alarmées. On épluche cette déclaration, comme un théologien prêchant un texte de l'Écriture. Chacun l'explique à sa manière : l'un prétend y trouver une frappante clarté, l'autre, au contraire, y croit voir une obscurité affectée et politique.
Le peuple prétend ici que le grand-duc de Lorraine a été incognito à Rheinsberg.
Un mot de M. de Beauvau m'a surpris. On parlait des circonstances présentes. Le marquis, d'un air de réserve, me dit : « Je ne sais qui a fait naître au Roi l'idée de la démarche présente, mais je »