36. DE M. JORDAN.
Berlin, 7 janvier 1741.
Sire,
Toutes les lettres qui viennent de Silésie ne sauraient assez se louer des troupes de V. M., du bon ordre et de la discipline qui y règnent.
<95>On imprima samedi dernier, dans les gazettes de Berlin, une lettre d'un officier prussien qui veut bien rendre compte au public de ce qui s'est passé depuis l'expédition de Silésie jusqu'au moment du départ de sa lettre. Il y a des personnes qui, prétendant fonder leur raisonnement sur une expérience militaire de plusieurs années, ne sauraient se persuader que tout ce qui est dit par l'auteur sur l'ordre des marches et sur la rareté des traîneurs ne soit un peu exagéré. J'ai entendu fortement disputer sur ce point, et l'on convint que ce qui paraîtra exagéré sur ce sujet à un étranger ne le sera point à une personne qui sera un peu au fait de l'ordre de nos troupes.
Douze ministres partent aujourd'hui pour le pays conquis, ce qui fait beaucoup de plaisir à tout le monde. On les a vus se destiner à ce voyage avec la même joie que les peuples d'autrefois ceux qui partaient pour la terre sainte.
Le ministre de l'Empereur est, à ce qu'on m'a assuré, fort chagrin de n'avoir point, depuis six ordinaires, reçu de lettres de sa cour. Il est du nombre de ces honnêtes gens qui ont l'avantage de pouvoir s'affliger pour les intérêts de leur maître.
Il s'est passé à Hanovre une affaire entre les domestiques de M. de Beauvau et ceux de l'aubergiste chez lequel il était logé. Le différend ne roulait que sur quelques gros; il y a eu à cette occasion des épées tirées, des gens blessés, et un tapage du diable. J'ai bien remarqué que cette nouvelle ne faisait pas plaisir aux amis de ce ministre. D'ailleurs, les gazettes de Hollande l'ont rapportée d'une façon à en faire un peu sentir le ridicule.
J'ai l'honneur, etc.