109. DU MÊME.

Berlin, 31 mars 1742.



Sire,

Je suis très-obligé à Votre Majesté de ce qu'elle veut bien être contente de mes lettres, et surtout de celle que V. M. nomme la seconde. Quoique j'écrive régulièrement deux fois par semaine, il n'y a plus moyen d'envoyer une épître sans quelques mauvais vers de ma façon.

J'ai des vers aussi sûrement
La marotte et la maladie
Que vous savez tacitement
Louer mes vers ou ma folie.

Si je dis de jolies choses sur la ..., c'est l'envie de plaire à V. M. qui me les fait dire. J'aurais bien de la peine à parler raison, encore<181> moins à penser couleur de chair, si je sentais ce que je dis dans le sens de V. M.

Vous savez par l'allégorie
Assaisonner la vérité,
Et l'on ne peut qu'être enchanté
De votre morale embellie.

Dire à un amant qui aime sa maîtresse qu'il doit ne la plus aimer, c'est le rebuter; mais quand on lui présente pour modèle le papillon qui se brûle les ailes, on est écouté. On donne aux malades des pilules couvertes d'une feuille d'argent pour leur en dérober l'amertume.

Les vers de V. M. sur la comète de Vienne sont charmants, et la pointe en est fort piquante. Je ne suis point surpris qu'une femme dévote s'alarme en voyant une comète sans queue.

On ne croit pas le moment de la chute de la maison d'Autriche aussi proche qu'on le croit en France. La raison qu'on allègue, c'est qu'elle a de puissants amis, qui l'assistent en lui fournissant de l'argent. On dit, d'ailleurs,

Qu'un flambeau que l'on croit s'éteindre,
En s'éteignant, jette un plus vif éclat;
Que sa flamme souvent dans ce débile état
A causé des malheurs qu'on ne saurait dépeindre.

V. M. paraît me croire entre les mains des médecins pour délivrer mon sang d'un certain venin; mais

Je jure par le dieu Jupin
Et par mon bon ami Mercure
Que jamais un pareil venin
N'a saisi ma pauvre nature.

J'ai l'honneur d'être, etc.