<11>Vous êtes un excellent commissionnaire, mon cher Algarotti; j'admire votre exactitude et vos soins infatigables. Je n'ai pas reçu la moindre chose de Pine. La Henriade est copiée et prête à être envoyée. Il ne dépend plus que de l'imprimeur de mettre la main à l'œuvre.
Mandez-moi, je vous prie, si c'est en français ou en italien que vous composez votre Essai sur la guerre civile. Le sujet que vous avez choisi est, sans contredit, le plus intéressant de toutes les histoires de l'univers. L'esprit se plaît en les lisant; les faits remplissent bien l'imagination. Cette histoire est, en comparaison de celle de nos temps, ce qu'est l'épopée à l'égard de l'idylle. Tout y tend au grand et au sublime.
Envoyez-moi, je vous prie, votre traduction de Pétrone; je suis persuadé qu'elle surpasse autant Pétrone que l'Art d'aimer de Bernard est préférable à celui d'Ovide.
Nous regardons ici d'un œil stoïque les débats du parlement d'Angleterre, les troubles de Pologne, la conquête des Russiens, les pertes de l'Empereur, les guerres des Français, et les projets ambitieux des Espagnols. Il me semble que nous jouons le rôle des astronomes, qui président les révolutions des planètes, mais qui ne les règlent pas. Notre emploi sera peut-être de faire des calendriers politiques à l'usage des cafés de l'Europe.
Mandez-moi, je vous prie, si vous n'avez pas reçu ma lettre, sans date, du 15 ou du 17 de janvier. Si vous ne l'avez pas reçue, il faut qu'elle soit égarée. Elle est en réponse sur votre maladie.
Mandez-moi, je vous prie, tout ce que vous savez, avec cette liberté qui vous sied si bien, et qui convient à tout être pensant; et principalement informez-moi de ce qui vous regarde, car vous pouvez être persuadé que je vous aime et vous estimerai toujours.