<170>ciles de commandants m'en perdent souvent d'une façon honteuse; et quand j'ai des empereurs qui me veulent du bien, on me les étrangle.a Jugez, après cela, de la jolie situation où je me trouve. Si notre empereur vivait encore,b nous aurions la paix cet hiver, et vous pourriez retourner de plein saut dans votre paradis sablonneux de Berlin. Mais le public, qui se flatte, a cru sans raison que la paix suivrait la prise de Schweidnitz. Vous avez peut-être espéré que cela pourrait être; mais je vous assure, autant que j'y puis comprendre, que nos ennemis n'ont encore aucune envie de s'accommoder. Jugez, après cela, s'il serait prudent de retourner à Berlin, au risque de s'enfuir à Spandow à la première alarme.
Vous me parlez de la pauvre Finette.c Hélas! ma bonne maman, depuis six ans je ne plains plus les morts, mais bien les vivants. C'est une chienne de vie que celle que nous menons, et il n'y a aucun regret à y donner. Je vous souhaite beaucoup de patience, ma bonne maman, et toutes les prospérités dont ces temps calamiteux sont susceptibles, surtout que vous conserviez votre bonne humeur, le plus grand et le plus réel trésor que la fortune puisse nous donner. Pour moi, ma vieille amitié et l'estime que je vous ai vouée ne se démentiront jamais. Je suis sûr que vous en êtes persuadée. Adieu, ma bonne maman.
Federic.
a Voyez t. V, p. 214 et 215.
b Pierre III, empereur de Russie, mourut le 17 juillet 1762.
c Madame de Camas dit dans sa lettre au Roi, Magdebourg, 12 octobre 1762 : « Je suis persuadée, Sire, que Votre Majesté aura pris quelque part à la mort de mademoiselle de Tettau, qui a souffert si longtemps avec tant de fermeté, sans qu'il parût le moindre changement dans son esprit ni dans son humeur. » Auguste-Marie-Bernardine, fille du lieutenant-colonel Charles de Tettau, et dame d'atour de la Reine, était née à Stettin le 2 décembre 1721. C'est elle que le Roi surnommait Finette. Voyez t. XVII, p. 240 et 271, et ci-dessus, p. 168.