<235> salut. Si V. M. voulait permettre que j'écrivisse à la princesse, non comme je l'avais d'abord projeté, mais selon ce qui plairait à V. M., et selon qu'elle voudrait me le dicter; ou bien, Sire, trouveriez-vous plus à propos que le Duc fît cette démarche, parce qu'une lettre de sa part serait plutôt communiquée au Roi et à mylord Bute, et que, sous le titre de frère, on ose parler encore avec plus de liberté, quoique dans le fond cela viendrait absolument au même. Dans ce cas, comme dans le premier, V. M. ne risquerait assurément rien, ni pour le secret, ni pour la discrétion. Nous lui sommes si inviolablement attachés, que son intérêt nous est aussi cher que le nôtre. Disposez de nous, Sire, ordonnez-nous ce que nous devons faire, donnez-nous le canevas de cette lettre et une instruction que nous suivrons scrupuleusement. Si la considération du maintien de la religion protestante et de la liberté germanique ne peut ramener les esprits qui ont pour maxime l'intérêt national, auquel ils sacrifient et bonne foi, et équité, du moins pourrait-on leur faire toucher au doigt que ce même intérêt risquerait tout, s'ils abandonnaient le continent, et laissaient agrandir la cour de Vienne en puissance et en possessions.
C'est bien moi qui ai besoin de demander très-humblement pardon à V. M. de la longueur de ma lettre. Les vôtres, Sire, sont adorables et pleines d'intérêt. Je les aime de toutes mes facultés, j'en suis infiniment flattée. Que votre sort me touche sensiblement! Je ne saurais, Sire, l'exprimer parfaitement. Je ne désespère pourtant pas. Je conviens que c'est une dure épreuve que la situation présente de V. M., mais j'attends tout de son génie inépuisable, de sa sagesse, de son courage; ce sont des ressources fécondes pour elle, et qui l'ont tirée si souvent des plus cruels embarras! D'ailleurs, je me repose sur la bonne Providence, qui ne voudra pas abandonner la juste cause de V. M. De grâce, Sire, ménagez votre santé et votre vie, qui nous