<26>Mille voisins de qui la race amie
Par maint hymen signalait leur amour.
Déjà j'entends l'orage du tambour,
De cent héros je vois briller la rage
Sous les beaux noms d'audace et de courage;
Déjà je vois envahir cent États,
Et tant d'humains, moissonnés avant l'âge,
Précipités dans la nuit du trépas;
De tous côtés je vois croître l'orage,
Je vois plus d'un illustre et grand naufrage,
Et l'univers tout couvert de soldats;
Je vois .... Petit-Jean vit bien davantage,a
A vous, à votre imagination
C'est à finir, car ma muse essoufflée,
De la fureur et de l'ambition
Te crayonnant la désolation,
Fuyant le meurtre, et craignant la mêlée,
S'est promptement de ces lieux envolée.
Voilà une belle histoire des choses que vous prévoyez. Si don Louis d'Acunha, le cardinal Alberoni ou l'Hercule mitré avaient des commis qui leur fissent de pareils plans, je crois qu'ils sortiraient avec deux oreilles de moins de leurs cabinets. Vous vous en contenterez cependant pour le présent. C'est à vous d'imaginer de plus tout ce qu'il vous plaira. Quant aux affaires de votre petite politique particulière, nous en aviserons à Berlin, et je crois que j'aurai dans peu des moyens entre mes mains pour vous rendre satisfait et content.
Adieu, cher cygne; faites-moi entendre quelquefois de votre chant, mais que ce ne soit point selon la fiction des poëtes, en rendant l'âme aux bords du Simoïs. Je veux de vos lettres, vous bien portant et même mieux qu'à présent. Vous connaissez et êtes persuadé de l'estime que j'ai pour vous.
a Voyez les Plaideurs de Racine, acte III, sc. III.