<37> l'Islande, et Frédéric sera toujours pour moi ce que Lalagé était pour Horace. Il est, Sire, je crois, ridicule de découvrir de la sorte ses sentiments et ses faiblesses aux princes autant qu'aux femmes. C'est le plus sûr moyen de ne jamais coucher avec les unes, et de geler toujours dans l'antichambre des autres. Mais le moyen de conserver son sang-froid avec un prince qui, après avoir été les délices de tous les particuliers, a été la maîtresse de toutes les puissances de l'Europe; d'un prince qui a dans l'esprit toutes les grâces de la coquetterie, cette mère charmante de la volupté; d'un prince, enfin, qui sait faire tourner la tête aux jésuites mêmes, quand il le veut! Tout ce que je prends la liberté de dire là à V. M., qui ferait une déclaration dans toutes les formes en cas de besoin, prouvera au moins à V. M. la constance du goût de ce cygne qu'il lui plaît d'appeler le plus inconstant et le plus léger du monde. Quand il serait possible que les princes pussent avoir des torts avec les particuliers, et quand il serait possible, ce qui est plus impossible encore, que V. M. les eût tous avec moi, je l'aimerais toujours, parce qu'elle est l'homme le plus aimable qu'il y ait au monde. Voilà, Sire, toute royauté à part, ma confession de foi, dont je serais, s'il le fallait, l'apôtre et le martyr. Si la Divinité doit quelque reconnaissance aux mortels, que V. M. aime un peu son fidèle croyant, et qu'elle se souvienne de temps à autre, au milieu de ses trophées et de ses victoires, de celui qui aura toujours l'honneur d'être, etc.
P. S. Le père Guarini, pénétré des bontés de V. M., se met à ses pieds; il ne lui manque qu'un plumet blanc et un panier, et des cheveux frisés; il ne lui manque enfin que l'uniforme des gens aimables. Que dirai-je à V. M. de la Faustine? Les extases des nations, qu'elle a causées, ne lui paraissent rien en comparaison des applaudissements de ce prince dont on ne saurait entendre parler sans l'admirer, et qu'on ne saurait voir sans l'aimer. Voici un air, Sire, avec ses pas-