40. A LA MÊME.
Leipzig, 31 janvier 1763.
Madame ma cousine,
Ce n'est pas assez que vous supportiez mes étourderies avec bonté; je vous prie, ma chère duchesse, d'étendre votre indulgence jusqu'à mes neveux. Ils auront la satisfaction de vous saluer. S'ils vous rendent<245> compte, madame, de mes sentiments, vous serez convaincue que je tiens le même langage sur votre sujet, et que la surabondance du cœur répand, sans pouvoir être contenue, les sentiments d'admiration que vous inspirez à ceux qui ont le bonheur de vous connaître. Je dis à mes neveux : Il faut que vous voyiez ma respectable amie, et que vous lui marquiez la reconnaissance que mon cœur lui conservera éternellement. Si je l'avais pu, mon adorable duchesse, je me serais mis de la partie, et je vous aurais présenté mes hommages en personne; mais je suis retenu ici par une raison que vous ne sauriez qu'approuver : nous faisons la paix tout de bon. Ce sont des négociations, c'est un fatras d'écritures, de friponneries à éluder, d'équivoques à éclairer, de subterfuges à prévenir; enfin cette occupation, toute nécessaire qu'elle est, n'est pas amusante, et fatigue étrangement.
Quelle différence de passer les après-dînées dans ces instructives conversations, dans le sein de l'amitié et de la vertu, auprès d'une certaine duchesse que je n'ose nommer, de crainte de blesser sa délicatesse, où la liberté est jointe à la décence, où l'érudition paraît sans faste, le sel de la plaisanterie sans médisance, la politesse sans affectation, et la cour sans cohue! Ce souvenir renouvelle mes regrets, et MM. Collenbach et Fritsch245-a ne m'en consolent pas. Il faut que chacun subisse son sort. Je n'ai aucune prédilection pour celui qui m'est échu; il m'empêche de suivre mes désirs, et m'oblige souvent à faire ce qui me répugne. Je ne trouverai mon destin favorable que lorsqu'il me procurera la satisfaction de vous revoir, madame. Souffrez que je laisse régner cette idée flatteuse dans mon esprit, qui, je l'espère, pourra encore se réaliser quelque jour, et daignez croire que, absent ou présent, en paix ou en guerre, tranquille ou dans le trouble, rien n'altérera les sentiments d'admiration et de reconnais<246>sance que je vous dois, madame. Ils sont trop profondément gravés dans mon cœur pour en être effacés, étant,
Madame ma cousine,
de Votre Altesse
le très-fidèle ami, cousin et serviteur,
Federic.
245-a Voyez t. V, p. 242-248.