78. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 12 octobre 1759.
Sire,
J'aurais bien peu profité, si, après avoir vécu vingt ans avec des gens sensés en Allemagne, j'avais conservé une cervelle provençale. Vous verrez, Sire, par le mémoire que m'a remis madame Tagliazucchi, de quoi il est question, et vous déciderez ensuite. Si V. M. ne m'avait point écrit en propres termes : « Quoi que cette femme puisse vous dire, gardez-vous bien d'y ajouter foi, » j'aurais prié le commandant de faire arrêter le nommé Ranuzzia jusqu'à ce qu'elle eût mandé ce quelle veut qu'on en fasse, cet homme me paraissant un espion des plus avérés. Mais je me suis contenté de dire à madame Tagliazucchi que, si cet homme sortait de Berlin avant la réponse de V. M., elle en répondrait; et elle m'a assuré qu'elle le retiendrait. J'ai l'honneur, etc.
79. AU MARQUIS D'ARGENS.
Octobre 1759.
Vous voyez, mon cher marquis, que les mystères de madame Tagliazucchi étaient des misères, comme je l'avais prédit; j'ai cependant ordonné qu'on arrêtât ce manant, si grand corrupteur. Pour savoir mes secrets, il faut me corrompre moi-même, et cela n'est pas facile.
a Le marquis d'Argens veut probablement parler de Giovanni Renazzi, espion autrichien, détenu à Spandow jusqu'en 1787.