<138> dans un vrai purgatoire, mais qui vous aime et qui vous aimera toujours. Adieu.
103. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 4 février 1760.
Sire,
J'ai relu cinq fois votre ode au prince votre neveu. Cet ouvrage est véritablement digne de vous et de lui. C'est l'éloge le plus grand que l'on puisse faire, et en même temps le plus vrai. Après avoir employé la critique la plus sévère, je n'ai trouvé qu'un seul vers qui m'a paru un peu prosaïque; le voici :
Je puis au moins prévoir par mes heureux présages.Cela me paraît un peu dur à l'oreille, et les mots puis, prévoir, présages, dans un seul vers, forment un son qui n'est pas aussi harmonieux que tout le reste de cette belle ode, dont Rousseau se serait fait honneur, et qui est, je le répète encore, véritablement digne du héros qui l'a composée et du héros auquel elle est adressée.
Vous plaisantez sur mon prophète. Voici bien une autre chose que des prophéties. Un de nos académiciens, M. Gleditsch, soutient que M. de Maupertuis lui a apparu dans la salle de l'Académie, à côté de la pendule, et qu'il l'a vu pendant près d'un quart d'heure de suite. Cela fait ici un bruit étonnant. Après cela, continuez de faire l'incrédule! Quant à moi, j'ai résolu de faire dire deux messes pour le repos de l'âme du président, afin que, s'il lui prend envie de jouer le rôle d'un vampire, il me laisse dormir en repos, et aille à Genève sucer et tourmenter le sieur Arouet de Voltaire.