<14> perdu deux que je regretterai toute ma vie, et dont le souvenir ne finira qu'avec ma durée.a Vous faites beaucoup de paralogismes éloquents. Vous avancez qu'un chartreux peut être heureux;b j'ose vous dire affirmativement qu'il ne l'est pas. Un homme qui cultive les sciences, et qui vit sans amis, est un savant loup-garou. En un mot, selon ma façon de penser, l'amitié est indispensable à notre bonheur.c Que l'on pense de la même manière ou différemment, que l'un soit vif, l'autre mélancolique, tout cela ne fait rien à l'amitié. Mais l'honnête homme, c'est la première qualité qui unit les âmes, et sans laquelle il n'y a point de société intime. Il faut, ce me semble, que l'on trouve son intérêt dans ces nœuds resserrés que l'on forme, intérêt de plaisir, de savoir, de consolation, d'utilité, etc. Voilà mon sentiment.
17. DU MARQUIS D'ARGENS.
Liége, 1er juillet 1747.
Sire,
J'ai retardé de deux ou trois jours d'écrire à Votre Majesté, pour pouvoir lui faire un détail circonstancié de tout ce qui m'est arrivé jusqu'au moment que je suis parti de l'armée pour aller à Liége reprendre ma compagne de voyaged et continuer ma route pour Paris, en passant par Bruxelles.
Ne recevant pas mes passe-ports à Wésel, après les avoir attendus
a Voyez t. XVIII, p. 161 et 162.
b Voyez les Nouveaux Mémoires, etc., p. 56 et 57.
c Voyez t. VIII, p. 58, et t. XVIII, p. 241.
d La danseuse Marianne Cochois (t. X, p. 195, et t. XI, p. 239), sœur cadette de Babet Cochois.