<152>dernier ridicule. J'ai été un peu fâché de voir qu'on nous a donné ce faquin de La Beaumelle pour collègue; ce misérable n'a jamais pensé, et il se trouve du nombre de ceux qui font honte à la philosophie par faiblesse, comme ces transfuges qui se sauvent des armées par lâcheté. Une des ruses dont les théologiens se servent avec le plus de succès est celle de confondre les libertins et les philosophes. Ces premiers, qui se livrent plutôt aux saillies impétueuses de leur tempérament qu'à leur raison, se jettent souvent d'un excès dans l'autre, de l'incrédulité dans la superstition. C'est là que les théologiens triomphent, et les conséquences qu'ils tirent de la conduite de ces hommes, qui n'en ont aucune, leur fournissent leurs meilleures armes. Mais, après tout, j'ai d'autres gens à combattre que des théologiens, et il me faut recourir à la plus fine industrie et aux plus excellents stratagèmes pour résister aux démons politiques qui me persécutent impitoyablement. Ces idées absorbent toutes les autres dans mon esprit, comme un violent mal rend insensible à un moindre. Enfin, mon cher marquis, je ne suis bon à rien qu'à guerroyer, puisque tel est mon fâcheux destin. Écrivez-moi toujours, et soyez persuadé de mon amitié. Adieu.
111. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 16 mars 1760.
Sire,
S'il était vrai que je vous parlasse en courtisan,a je serais charmé de l'avoir fait, puisque j'aurais occasionné par là les beaux, mais très-beaux vers que vous m'avez fait la grâce de m'envoyer. Vous allez
a Voyez t. XII, p. 151.