<271> qu'il vît la France beaucoup plus accablée d'impôts qu'elle ne l'était dans les dernières années de la malheureuse guerre pour la succession à la couronne d'Espagne, qu'il apprît que toutes les Indes occidentales et orientales sont perdues, que toutes les colonies françaises sur les côtes de l'Afrique sont encore entre les mains des Anglais, que plus de cent cinquante mille hommes sont péris en Allemagne ou par le fer, ou par les maladies, et que tout cela est arrivé pour rendre plus puissante la maison d'Autriche? Quel que fût l'étonnement de Louis, il augmenterait encore bien plus quand il apprendrait que tous ces événements ont été causés par les conseils d'une petite caillette de la rue Saint-Denis et sous la direction d'un mauvais poëte sorti du séminaire de Saint-Sulpice.
Les nouvelles que V. M. m'a fait la grâce de m'écrire m'ont causé un plaisir infini. Je vois qu'elle jouit d'une parfaite santé, et, quant aux suites de la guerre, je n'en serai jamais inquiet, dès que je saurai que vous pouvez agir à la tête de vos armées. Je suis très-persuadé que vos ennemis seront à la fin forcés de vous accorder une paix bonne et honorable, et que tous leurs vains efforts n'auront servi qu à donner un nouvel éclat à votre gloire et à immortaliser votre constance et votre fermeté. J'ai l'honneur, etc.
183. AU MARQUIS D'ARGENS.
Camp de Pülzen, 9 juillet 1761.
Votre lettre, mon cher marquis, me fournirait matière à un gros commentaire philosophique. Il faudrait donc examiner l'étendue de la raison humaine, les nuages qui l'obscurcissent, et les illusions qui