<292> façon de penser, c'est que j'ai toujours vu que nos plus grands revers ont été suivis des plus heureux événements. Tant que vous pourrez agir, j'aurai toujours bonne espérance, et, s'il ne vous restait que dix hommes et de la santé, je ne perdrais point l'espoir de voir à la fin échouer les projets des ennemis.

On a été à Berlin dans la plus grande surprise lorsqu'on a appris l'aventure arrivée à des officiers autrichiens, prisonniers à Magdebourg, dont on a découvert les conspirations; cela est épouvantable. Comment est-ce que des officiers qui ont donné leur parole d'honneur peuvent y manquer aussi indignement? Enfin, si tout ce que les lettres qui nous viennent de Magdebourg disent est bien véritable, il y a de quoi faire de sérieuses réflexions sur la police et sur la garde qu'on doit établir dans cette ville.

L'armée de M. de Soubise est enfin entrée en quartiers d'hiver. Il a renvoyé en France cinquante-cinq escadrons et vingt-deux bataillons. On arme dans les ports de France pour agir contre l'Angleterre, et l'on parle encore de la construction des bateaux plats :a tout cela me paraîtrait encore plus plat que les bateaux, si M. P... avait voulu rester dans sa place.b En attendant, les Anglais vont démolir Belle-Isle de fond en comble, pour pouvoir se servir de la grosse garnison qu'ils sont obligés d'y tenir; toutes les gazettes de Londres assurent cette nouvelle.

Je ne sais ce que fait Voltaire; il a publié une Lettre pour prouver qu'il était très-bon chrétien, et qu'il allait exactement à la messe. Cet homme mourra comme il a vécu, agité de mille projets chimériques. Son dernier ouvrage sur la Russie est entièrement tombé. A propos d'ouvrage, j'ai discontinué depuis plus de deux mois ma traduction de Plutarque, que je reprendrai bientôt, et j'ai em-


a Voyez ci-dessus, p. 110.

b William Pitt, né en 1708 et premier comte de Chatham, fut élevé à cette dignité le 29 juillet 1766. Il quitta le ministère le 5 octobre 1761. Voyez t. V, p. 173 et 174.