<315>Je viens, Sire, à ce que V. M. me fait la grâce de me dire au sujet de mes prédictions de Leipzig; elles ont été très-vraies, car vous aviez fait la plus belle campagne qu'on pût faire. Mais à coup sûr, ni moi, ni qui que ce soit dans le monde, ne prévoira qu'un homme laisse emporter une place défendue par trois mille hommes, dans une heure de temps. Car enfin je suppose qu'il eût été attaqué dans les formes, et que, ayant huit mille hommes de garnison, il en eût perdu cinq à la défense de ses ouvrages extérieurs, ne mériterait-il pas d'être puni, si, ayant encore trois mille hommes, il rendait sa place avant que la brèche fût faite au corps de la place? Et que n'a-t-il défendu ce même corps de la place, s'il était trop faible pour garder ses ouvrages extérieurs? Non, cela est inconcevable qu'un homme se laisse forcer derrière un rempart flanqué de bastions, avec un bon fossé en avant de ce même rempart. Voilà, Sire, ce que sûrement je n'avais pas prévu et que je ne prévoirai jamais.
V. M. me parle du commissariat de la Poméranie; elle doit être cent fois mieux instruite que moi, ainsi je n'ai rien à dire; mais ce commissariat n'était pas, en dernier lieu, dans le Mecklenbourg, à Malchin. Si j'avais moins de zèle pour V. M., tout cela m'affligerait moins; mais je meurs de douleur quand je vois que les soins, que les fatigues que vous prenez, que les bonnes et glorieuses choses que vous faites, sont détruites ou par les étourderies, ou par le peu d'expérience des autres. Dans tous mes chagrins, je n'ai qu'une consolation, c'est de savoir que vous vous portez bien; pour la crainte des ennemis, je n'en ai aucune, et je reste toujours dans la parfaite conviction que, après tant d'événements fâcheux, il faut à la fin qu'il arrive quelque coup heureux qui remette toutes les affaires dans un bon état.
Voilà la guerre déclarée entre les Anglais et les Espagnols; j'en suis bien aise, et je crois avoir de bonnes raisons pour cela. Les Anglais n'ont plus de paix particulière à faire, et Dieu sait, à la longue,