<365> l'on vous écrit que j'ai fait un discours en lingua franca, qui est le provençal algérianisé, à l'Académie des sciences. En vérité, à la lecture de vos dernières lettres, j'ai été pendant plus d'une heure comme un homme pétrifié, et que la joie rend entièrement stupide. Il faut, comme le dit fort bien V. M., avoir senti l'état où nous étions il y a six mois, pour connaître tout le bon et le merveilleux de celui où nous sommes aujourd'hui.
J'ai eu la satisfaction d'être le premier qui ait célébré votre union avec l'empereur de Russie, ce brave et digne prince, que le ciel comble de toutes ses faveurs! Dès que j'eus reçu la lettre de V. M., je priai à dîner les bourgmestres et plusieurs des bons bourgeois de Berlin; j'empruntai de la maison de ville deux petits canons de quatre livres de balle, dont les bourgeois se servent dans leurs fêtes; je les fis conduire sur le chemin au pied de la colonnade de Sans-Souci, et, depuis midi jusqu'à sept heures du soir que dura le dîner, nous tirâmes quatre-vingts coups de canon, en buvant à votre santé et à celle de l'Empereur votre bon allié. Hier dimanche, les bourgeois firent à Potsdam de grandes réjouissances; je les ai pourtant prévenus de trois jours.
Je voudrais être plus vieux d'un mois; cependant je trouve qu'il n'est pas gracieux de vieillir; mais je sens tout le plaisir que j'aurai dans les mois de juillet, d'août et de septembre. Quoique je souhaite la paix avec la plus grande impatience, je serais pourtant fâché de la voir conclure avant que vous n'ayez reçu de la reine de Hongrie une bonne bouteille de baume, qu'elle est obligée de vous donner pour guérir toutes les cicatrices qui pourraient rester aux blessures qu'elle nous a faites.
Permettez que je vous dise une petite parabole. Un honnête homme traversait une certaine forêt; trois brigands l'attaquèrent, lui firent plusieurs blessures, et, non contents de lui voler son argent, ils voulaient encore le tuer. Il arrive pendant ce temps deux