<368>mée de cinquante mille hommes qui peuvent agir cette année contre les Autrichiens. Quant aux Turcs, je n'y ai jamais compté, parce que j'avais vu et lu une lettre écrite le 20 d'avril, de Constantinople, par un ministre très-bon Prussien à un autre ministre aussi Prussien que moi, c'est tout dire, qui l'assurait que tout était tranquille à Constantinople, et que les Turcs ne marcheraient point cette année. Mais, pourvu qu'à leur place les cent mille Tartares qui sont en marche achèvent de tenir leurs promesses, je ne vois pas la Reine fort à son aise. Je conviens que, si les Turcs avaient marché, cela finissait l'affaire dans deux mois; mais, si cent mille Tartares entrent en Hongrie, il faudra bien que les Autrichiens détachent pour le moins un corps de vingt mille hommes. Dès que j'apprendrai que ce détachement a lieu, je jugerai de la certitude de la promesse des Tartares, et j'en tirerai un augure certain pour la paix au mois de novembre ou de décembre.
S'il faut en croire les papiers anglais, et surtout le Monitor, la sagesse de Salomon ne règne pas dans les conseils d'État à Londres. Il paraît contre le favoritisme du comte Bute des pièces bien fortes et bien énergiques. La harangue de M. Pitt au parlement est digne de Démosthène, et, avec tout cela, voilà le duc de Newcastle qui, après avoir servi quarante-cinq ans la maison de Hanovre et avoir mangé cinq cent mille livres sterling pour son service, est obligé de demander sa démission; il a généreusement refusé six mille livres sterling de pension qu'on lui a offertes. Que dirait à tout cela le bon roi votre oncle,a s'il venait au monde, et à bien d'autres choses que je n'ose confier au papier, mais que V. M. devine aisément? Si l'événement arrivé en Russie ne montrait pas le peu de fondement de tous les projets humains, ce qui se passe en Angleterre en serait une excellente preuve. J'ai l'honneur, etc.
a George II, mort le 25 octobre 1760. Voyez t. V, p. 121.