<382> usé et cassé comme moi, dont la mémoire diminue, et qui voit dépérir ses sens et la force de son esprit! Il y a un temps pour tout dans notre vie. A mon âge, mon cher marquis, des livres, de la conversation, un bon fauteuil et du feu, voilà tout ce qui me reste, et, peu de moments après, le tombeau. Adieu, mon cher marquis; vivez heureux et tranquille, et ne m'oubliez pas.
260. AU MÊME.
Péterswaldau, 13 août 1762.
Les biens et les maux confondus,
Dont le ciel a semé le cours de nos années,
Par leur flux et par leur reflux
Bouleversent sans fin nos frêles destinées.
L'avenir est caché, les dieux seuls l'ont connu,
L'homme à le pénétrer s'abuse et perd ses peines;
Ses calculs sont fautifs, ses efforts superflus,
Il se trouve écrasé par des coups imprévus.
Ah! marquis, les choses humaines
Sont toutes frivoles et vaines.
Lorsqu'un malheur subit vient de nous arriver,
Nous commençons par l'aggraver,
Il est désespérant, insupportable, extrême;
Bientôt, ne pensant plus de même,
Nous finissons par le braver.
Pourquoi nourrir en nous autant d'inquiétudes?
L'empire des vicissitudes
Est le lieu que nous habitons.
Au sein des maux que nous souffrons,
Dans les épreuves les plus rudes,
Ainsi que le sage pensons.