<407>avaient été enfantés dans un temps plus tranquille; ils seront toujours bons pour l'usage que vous en ferez. Quiconque n'écrit pas comme Racine devrait renoncer à la poésie. Mais on dit que les poëtes sont fous; voilà mon excuse. Vous m'avouerez que cette folie n'est pas dangereuse pour le public, surtout lorsque le poëte ne violente pas le monde pour lire ses ouvrages, qu'il ne fait des vers que pour s'amuser, et qu'il est le premier à rendre justice à son faible talent. J'aimerais mieux, je vous l'avoue, faire à présent un beau et bon traité de paix qu'un poëme épique, et, au défaut de cela, battre bien serré les Autrichiens plutôt que de composer une ode comme Rousseau. Vous en seriez content aussi, je le crois bien. Cependant il faut avoir patience, laisser agir les causes secondes, puisque nous ne pouvons remonter aux premières, et plier sous le joug des événements, qui ne dépendent en vérité aucunement de notre prudence. Adieu, mon cher marquis; laissez-moi mes inquiétudes, conservez pour vous une tranquillité inaltérable, et soyez sûr de mon amitié.

274. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, octobre 1762.



Sire,

L'on ne peut rien voir de plus naturel et de plus spirituel que les derniers vers que V. M. m'a fait l'honneur de m'envoyer. On dirait que les mânes de Chaulieu et de La Fare sont sortis des champs Élysées pour vous les dicter en commun. Si l'on pouvait gronder les rois, je vous gronderais de tout mon cœur et bien fort pour parler avec tant d'indifférence d'une production charmante que Voltaire