<43> j'ai, Sire, une autre maladie que V. M. peut seule guérir. Cette maladie, c'est la crainte que j'ai de lui déplaire, et tous les remèdes ne font rien au corps, si l'esprit est malade. V. M. peut, à l'exemple du Messie, me guérir dans un instant, en me faisant assurer de sa part, par le saint abbé de Prades, que je puis avaler en paix tous les diaboliques breuvages que Cothenius ordonnera. N'allez pas vous figurer, Sire, que le métier de faiseur de miracles ne convient pas à V. M.; rappelez-vous que les plus grands princes ne l'ont pas méprisé. Vespasien, qui, après tant de mauvais souverains, mit fin aux maux de l'empire, daigna s'abaisser à guérir un boiteux en lui marchant sur la jambe, en Syrie, et un aveugle, en Judée, en lui frottant les yeux de sa salive. V. M. peut faire un miracle avec moins de peine, et elle conviendra que, quelque peu que je vaille, je vaux bien un vieux Juif borgne. Je me recommande donc à sa bonté, et j'ai l'honneur, étendu sur mon châlit entre deux vieux bouquins, l'un grec et l'autre latin, de me dire avec le plus profond respect, etc.

31. DU MÊME.

Potsdam, 7 novembre 1754.



Sire,

Depuis qu'il a plu à Votre Majesté de joindre au titre de conquérant celui de réconciliateur des enfants prodigues, et qu'elle a bien voulu prendre soin de ramener dans le giron de l'Église un Père de l'Église du XVIIIe siècle, l'abbé de Prades,a j'ose me flatter qu'elle voudra bien me procurer le sort d'Ésaü, et que, déshérité comme cet ancien Juif,


a Voyez t. XIV, p. IX, nos XXV et XXVI, et p. 125-132.