<451> bien, et je partirai le 1er de mars, pour arriver le plus tôt possible à Potsdam; je compte d'y être vers le 15 d'avril. V. M. ne m'ayant pas fait l'honneur de me faire savoir ses ordres, ayant pris la liberté de lui écrire d'Avignon, je crains qu'elle ne soit fâchée contre moi; mais je la supplie de considérer que la meilleure volonté ne peut résister à une force supérieure. M. de Catt m'a mandé que V. M. avait trouvé inutile que je lui eusse envoyé des certificats. J'aurais souhaité, s'il avait été possible, vous envoyer le vice-légat dans une lettre, et tous les protonotaires apostoliques qui sont à Avignon; car je n'ai jamais rien craint autant que de manquer dans la moindre chose au respect que je dois aux ordres de V. M. Mais enfin, Sire, vous me permettrez de répéter encore qu'à l'impossible nul n'est tenu, et je connais trop la justice de V. M. pour vouloir m'imputer une négligence qui n'a pas dépendu de moi.
Voici, Sire, les nouvelles que je sais dans ma solitude. La santé du Dauphin est toujours déplorable. Sa perte jettera les deux tiers du royaume dans la consternation; l'autre tiers s'en réjouira dans le fond du cœur, sans oser le faire paraître; ce tiers est composé des jansénistes, dont il était l'ennemi déclaré.
D'Alembert est allé se fourrer dans les affaires des jésuites et des jansénistes; il a écrit un ouvrage sur la destruction des jésuites, dans lequel il les justifie quelquefois, et les condamne souvent. Dans ce même ouvrage, les jansénistes sont cruellement outragés, et beaucoup plus que les jésuites; de sorte que tous ces gens si opposés entre eux se sont réunis pour attaquer d'Alembert. Ils ont dévoilé sa naissance, ils ont critiqué ses actions, enfin ils ont inondé la France de libelles dans lesquels il est traité sans ménagement. Quelque philosophe qu'on soit, cela déplaît, surtout quand la philosophie ne nous a pas dépouillés de l'amour-propre. En vérité, un homme sage cesse de l'être lorsqu'il va se mêler de toutes ces querelles de prêtres et de moines; il faut être aussi étourdi et aussi pétulant que le sont en général les