<475> été obligé, pour se mettre à l'abri des plaisanteries dures et des mépris humiliants de cet empereur, de vendre ses vaisselles et les bijoux de sa femme, seuls et uniques secours qui lui restaient, pour aller vivre tranquillement au pied des Alpes, s'estimant heureux de ne plus entendre des propos dont quelques-uns même révoltaient l'humanité, comme celui de proposer à Plutarque de marier à son chien une fille remplie de talents qu'il élevait comme la sienne, et celui encore d'envoyer des palefreniers pour le frotter et le guérir de ses rhumatismes. Le Philosophe de Sans-Souci pense-t-il qu'on pourrait accuser Plutarque d'avoir eu tort de quitter Marc-Aurèle, parce qu'il lui avait donné dans son palais trois chambres dorées dont ce philosophe ne sortait qu'en tremblant, et n'y rentrait presque jamais sans avoir le cœur accablé de douleur par les dures plaisanteries dont il avait été accablé? N'est-ce pas là le lieu d'appliquer ces vers de La Fontaine :

Je sors d'ici, dit le stoïque,
Et je vais m'enfermer chez moi;
J'aime bien mieux mon toit rustique
Que les plus beaux palais d'un roi.

Là rien ne vient m'interrompre;
Je mange, je dors à loisir.
Je méprise tout plaisir
Que la crainte peut corrompre,a

Au reste, tout ceci soit dit sans rancune de la part du Philosophe de Sans-Souci; l'étude de la sagesse calme les mouvements de l'âme, et lui fait apercevoir la vérité. « Les neiges, dit Pétrone,b qui vaut bien les philosophes de ce temps, subsistent longtemps sur les terres pierreuses et incultes; mais la moindre pluie les fond dans un moment »


a Ces huit vers ne sont qu'une imitation des deux derniers quatrains de la fable de La Fontaine, Le Rat de ville et le Rat des champs.

b Satyricon. chap. XCIX.