<99> triangle où j'ai les Russes à gauche, Daun à droite, et les Suédois à dos. Faites la guerre défensive, je vous en conjure. C'est tout le contraire; je ne me soutiens, jusqu'ici, qu'en attaquant tout ce que je puis, et en me procurant de petits avantages que je tâche de multiplier le plus qu'il m'est possible. Je fais, depuis la guerre, mon noviciat de zénonisme; je crois, si cela dure, que je deviendrai plus indifférent, plus impassible qu'Empédocle et que Zénon même. Non, mon cher marquis, je n'exigerai point de vous que vous veniez me trouver. Si je vis, je ne penserai à vous revoir que lorsque l'hiver aura établi une bonne trêve pour six mois. Entre ci et ce temps, il y aura bien du sang de versé, et beaucoup d'événements, bons et mauvais, qui nous éclairciront de notre sort. Adieu; je vous embrasse, mon cher marquis.
75. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 29 septembre 1759.a
Sire,
Je connaissais à Votre Majesté toutes les qualités de César, mais je ne savais pas qu'elle y joignît celles du grand amiral de Coligny, plus craint, plus admiré, plus redoutable à ses ennemis après la perte d'une bataille qu'avant le combat. Voilà vos affaires remises entièrement, ou peu s'en faut. Votre armée a cédé la victoire à vos ennemis, mais vos lumières les ont privés de tout le fruit qu'ils auraient pu remporter de leur avantage.
Pendant que vous remettez les affaires au point de finir la campagne heureusement, les Anglais viennent de hâter la paix en détrui-
a Berlin, 17 septembre 1709. (Variante des Œuvres posthumes, t. XIII, p. 88.)