116. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 28 mars 1760.
Sire,
Je reçois la lettre de Votre Majesté à minuit, et j'y réponds dans le moment. Il y a déjà deux feuilles de l'édition imprimées. Voyant qu'on ne finirait jamais avec la Néaulme, j'avais fait dire par M. de Beausobre à Voss qu'il pouvait commencer d'imprimer deux feuilles, à condition que, si V. M. ne trouvait pas à propos qu'il continuât, ce qu'il aurait imprimé serait en pure perte pour lui. Dans douze jours l'ouvrage sera fini; il y a quatre presses qui sont employées. M. de Beausobre corrige nuit et jour, car les imprimeurs travaillent sans cesse. J'ai bien senti, Sire, la nécessité d'aller vite en besogne, et c'est ce qui m'a obligé d'envoyer d'abord l'Avis du libraire160-a que j'ai fait imprimer. J'en ai fait partir trente exemplaires pour M. de Knyphausen, à Londres, et le libraire Voss en a expédié plus de cinq cents pour cette ville, et soixante pour Pétersbourg, par la voie de Danzig.<161> Cela prévient toujours pour quelque temps le public, et donne le loisir de faire la nouvelle édition. Enfin, Sire, elle sera finie dans douze jours; je ne crois pas que, si on la faisait faire par le secours des fées, elle pût aller plus vite. Elle sera, malgré cela, très-correcte, parce qu'il est cent fois plus aisé aux imprimeurs de travailler d'après un livre imprimé que d'après un manuscrit. Je supplie donc V. M., accablée par tant d'autres soins, de se tranquilliser sur cette affaire, et de compter sur la diligence et le zèle de M. de Beausobre, plein de bonne volonté pour le service de V. M.
Voilà donc le redoutable Thurot tué, et toute son escadre prisonnière.161-a Si les Français ne font la paix au commencement de cette campagne, il faut qu'ils soient possédés de dix légions de diables autrichiens. J'ai l'honneur, etc.
160-a Avis du libraire.
Nous croyons devoir avertir le public que nous allons donner incessamment un ouvrage intitulé Poésies diverses. C'est le même que l'on a furtivement imprimé en France et en Hollande sous le titre de Œuvres du Philosophe de Sans-Souci. Celui qui a donné cet ouvrage au public, ayant joint la méchanceté à l'impudence, l'a falsifié entièrement; il y a plusieurs endroits qu'il a supprimés, et beaucoup d'autres où il a ajouté quantité de vers que sa malice lui a dictés. Quant à l'édition que nous publions, elle est conforme en tout au manuscrit de son illustre auteur, et nous pouvons en garantir l'authenticité. Nous ne doutons pas que le public ne nous sache gré de lui présenter cet ouvrage dans la plus sincère vérité et dans la plus exacte correction.
161-a Le capitaine Elliot battit Thurot près de l'île de Man, le 28 février 1760.