185. AU MARQUIS D'ARGENS.
Pülzen, 20 (juillet 1761).
Je crois, mon cher marquis, que voilà la dernière lettre que je vous écrirai de ces environs. Tout est en mouvement; Autrichiens et Russes, tout tire vers la Haute-Silésie. Je pars demain pour m'opposer à leurs desseins. Ce sont les premières pièces qui se passent. La partie deviendra bientôt plus intriguante, et les grands coups ne tarderont pas à se porter. Faites des vœux pour nous, et gagnez sur vous d'attendre tranquillement quel dénoûment prendra cette scène. Maître Pangloss, que direz-vous de votre optimisme quand vous apprendrez que des hommes faits pour s'entre-secourir se déchirent comme des bêtes féroces? Il dira, malgré la conscience secrète de ses pensées, que tout est bien. Je suis fâché d'avouer le contraire. Je ne croirai que tout est bien que lorsque nous aurons battu nos ennemis à plate couture; car il faut que justice se fasse. Adieu, mon cher<276> marquis; pensez à moi lorsque vous êtes désœuvré, et n'oubliez pas que votre meilleur ami guerroie contre des ennemis acharnés dans les champs de la Silésie.