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264. AU MARQUIS D'ARGENS.

Péterswaldau, 23 août 1752.

Nous avons été plus heureux, mon cher marquis, que nous n'osions l'espérer. C'était le maréchal Daun, à la tête de cinquante-cinq bataillons et de cent treize escadrons, que nous avons battu. Il s'est retiré le lendemain à Wartha, et le jour suivant à Scharfeneck, près de Braunau. Le commandant de Schweidnitz a voulu capituler, ce qui lui a été refusé, à moins qu'il ne voulût se rendre prisonnier de guerre. Une garnison de dix mille hommes n'est pas un objet indifférent; si nous ne le prenons pas dans la ville, encore moins le prendrions-nous de retour à l'armée et perché sur les plus inaccessibles montagnes. Ayez patience encore huit jours, et nous serons à la fin de ces travaux, Schweidnitz pris, la garnison prisonnière, et les postillons, etc.

Vous me parlez de la paix des Anglais et des Français. Je ne la crois pas aussi avancée que le débitent les gazetiers; je crois que ce qui se fera entre ces deux puissances pourra être regardé par vous et par nos bons Berlinois avec des yeux assez indifférents. La paix générale, dont vous me parlez, est fort à désirer, mais bonne, mais avantageuse et solide. Je ne sais que vous dire sur ce chapitre; toute l'Europe sans doute en a besoin. Mais, quand on a affaire à des diablesses de femmes, on trouve plus de caprice, de fantaisies et d'oppositions que de raisons. En attendant, je grisonne, et je commence à croire que je serai enterré avant la paix. Un pauvre tisserand du voisinage, qui a la démence de se croire inspiré, nous prophétise encore six années de guerre. Vous avancez étrangement votre âge, mon cher marquis; passé une année, à Leipzig, je me souviens que vous aviez cinquante-cinq ans; comment en auriez-vous soixante aujourd'hui? Je vous promets des postillons de toute espèce à la prise<389> de Schweidnitz. Cependant ne vous flattez pas que cet événement soit suivi de la paix; je n'y vois encore aucune apparence. Laissons agir ce je ne sais quoi qui gouverne le monde, travaillons à remplir notre tâche, et ayons patience; il n'arrivera ni plus ni moins que ce qui doit arriver. Nous n'aurons plus de grands risques à courir ici; il parait qu'on nous laissera tranquillement achever notre siége. Dieu le veuille, et que, si mon destin est de survivre à la paix, j'aie encore la consolation de vous revoir! Adieu, mon cher marquis.