288. DU MÊME.
Berlin, 9 mars 1763.
Sire,
J'ai été dans le plus grand étonnement en recevant une lettre de votre saint évêque,430-c qui me prie d'en faire parvenir une autre à V. M.<431> J'ai d'abord voulu la renvoyer à l'évêque; mais j'ai réfléchi ensuite qu'il pourrait y avoir quelque chose dedans que V. M. serait bien aise de voir. Je la lui envoie donc avec celle que j'ai reçue et la copie de celle que j'ai écrite à l'évêque. La voici : « Monseigneur, j'ai fait parvenir à S. M. la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer pour lui remettre. Je souhaite qu'elle produise tout l'effet que vous désirez, et que, S. M. oubliant les sujets de mécontentement qu'elle peut avoir contre vous, elle se souvienne à cette occasion que, ayant surmonté tous ses ennemis, il ne lui reste plus, pour mettre le comble à sa gloire, que de pardonner généreusement, ainsi qu'elle l'a fait déjà plusieurs fois. Quant à ce que vous me dites, monseigneur, à la fin de votre lettre, vous me permettrez de vous répondre que je n'ai jamais exigé et reçu des personnes à qui j'ai pu être de quelque utilité d'autre reconnaissance que celle de les exciter à servir fidèlement S. M. et à témoigner un véritable zèle pour le service du meilleur maître et du plus respectable prince du monde. J'ai l'honneur d'être, etc. »
Je comptais, Sire, avoir l'honneur d'écrire aujourd'hui à V. M. quelques bagatelles qui pourront l'amuser, et que je lui écrirai demain, car il ne faut pas mêler le sacré et le profane ensemble; non sunt miscenda sacra profanis.431-a V. M. voit que je sais, ainsi qu'Algarotti, citer du latin dans mes lettres,431-b et, qui plus est, du latin de l'Évangile. J'ai l'honneur d'être, etc.
430-c Le comte de Schaffgotsch, qui devait à Frédéric sa dignité de prince-évêque et de chevalier de l'Aigle noir. Il resta à Breslau, après les revers de son bienfaiteur, lorsque les Autrichiens y entrèrent le 24 novembre 1757, et célébra en personne, le 26, à la cathédrale de Saint-Jean, une grande messe et le Te Deum, en présence du prince Charles de Lorraine. Le 5 décembre, il quitta la Silésie pour se retirer à Nikolsbourg, dans la Moravie autrichienne, d'où il écrivit au Roi, le 30 janvier 1758, pour s'excuser. Frédéric lui répondit, le 15 février, qu'il ne devait plus s'attendre qu'à son indignation. Ces deux lettres furent publiées, avec la permission du Roi, dans le Mercure historique et politique, A la Haye, 1758, mois de mars, p. 459-463. Frédéric ne pardonna jamais à l'évêque son ingratitude.
431-a Voyez Horace, Épîtres, liv. I, ép. 16, v. 54, et Art poétique, v. 397. Voyez aussi t. XV, p. XVI et 184.
431-b Voyez t. XVIII, p. 127.