<13> ces ministres n'étaient que les instruments dont la Reine se servait, et que c'était dans tous les temps sa volonté qui réglait les affaires.

L'année 1740,a l'Espagne sortait de la guerre d'Italie, qu'elle avait terminée glorieusement. Don Carlos, que les Anglais avaient transporté en Toscane pour succéder à Cosme,b dernier duc de la maison de Médicis, ce Don Carlos, dis-je, était devenu roi de Naples; et François de Lorraine avait reçu cette Toscane en dédommagement de la Lorraine, que la France avait réunie à sa monarchie. Ainsi ces mêmes Anglais qui avaient combattu avec tant d'acharnement contre Philippe V, furent les promoteurs de la puissance espagnole en Italie : tant la politique change, et les idées des hommes sont variables!

Les Espagnols ne sont pas aussi riches en Europe qu'ils pourraient l'être, parce qu'ils ne sont pas laborieux. Les trésors du nouveau monde sont pour les nations étrangères qui, sous des noms espagnols, se sont approprié ce commerce : les Français, les Hollandais et les Anglais jouissent proprement du Pérou et du Mexique. L'Espagne est devenue un entrepôt d'où les richesses s'écoulent, et les plus habiles les attirent en foule. Il n'y a pas assez d'habitants en Espagne pour cultiver les terres; la police a été négligée jusqu'ici; et la superstition range ce peuple spirituel au rang des nations à demi barbares. Le Roi jouit de vingt-quatre millions d'écus de revenus; mais le gouvernement est endetté. L'Espagne entretient cinquante-cinq à soixante mille hommes de troupes réglées; sa marine peut aller à cinquante vaisseaux de ligne.

Les liens du sang qui joignent les deux maisons de Bourbon, produisent entre elles une alliance étroite : cependant la Reine se trouvait outragée de la paix de 1737, que le cardinal de Fleury avait faite à son insu; pour s'en venger, elle causait à la France tous les désagréments qui dépendaient d'elle.


a 1735.

b Jean-Gaston.