<154>pérée, où ils ne voyaient dans l'avenir que la mort ou l'ignominie, M. de Maillebois vint à leur secours pour les délivrer. Si l'on avait donné carte blanche à ce maréchal, le destin de la Bohême aurait pu changer; mais de Versailles le Cardinal le menait à la lisière. Les occasions étaient perdues pour ce maréchal, parce qu'il n'osait en profiter.
La cour de Vienne sentit le coup que le Cardinal pouvait lui porter; trop faible pour le parer, elle eut recours à la ruse, qui suppléa à ce qui lui manquait de force. Le comte Ulefeld, ministre des affaires étrangères de la reine de Hongrie, connaissant le caractère du Cardinal, sut si bien l'amuser par des négociations, qu'il donna à M. de Khevenhüller le temps d'accourir de la Bavière, et de joindre le prince de Lorraine. Les Français se laissèrent si bien amuser, que les Autrichiens gagnèrent une marche sur eux, et réduisirent M. de Maillebois à choisir entre le combat ou la retraite : il fut blâmé généralement de n'en être pas venu aux mains avec le prince Charles. Cependant il était innocent : nous savons avec certitude que sa cour lui avait donné l'ordre positif de ne rien risquer. M. de Maillebois obéit donc; et comme il lui était impossible de s'approcher de Prague sans engager une affaire générale, il retourna sur ses pas, et se rapprocha d'Éger. Cette diversion, quoiqu'incomplète, produisit des effets avantageux à ces troupes renfermées dans Prague. Les maréchaux de Belle-Isle et de Broglie, débarrassés de l'armée autrichienne, firent de gros détachements pour amasser des provisions, et ravitaillèrent la ville. M. de Maillebois, qui devenait inutile en Bohême, où il n'avait presque aucun pied, prit par Ratisbonne et Straubing, et se joignit avec le maréchal de Seckendorff, qui commandait les troupes de l'Empereur en Bavière. Si l'armée de Maillebois eût pu contenir plus longtemps celle du prince Charles de Lorraine en Bohême, M. de Seckendorff aurait pu reprendre Passau, Straubing, et toutes les villes qui tenaient