<156> mépris du temps de la bataille de Narwa, était devenu pour eux un objet de terreur; les postes inattaquables n'étaient plus des lieux de sûreté pour eux. Après avoir ainsi fui de poste en poste, ils se virent resserrés à Friedrichshamn par les Russes, qui leur coupèrent l'unique retraite qui leur restait; ces Suédois eurent enfin la lâcheté de mettre les armes bas, et signèrent une capitulation ignominieuse et flétrissante,a qui imprima une tache à la gloire de leur nation : vingt mille Suédois passèrent sous le joug de vingt-sept mille Russes. Lacy désarma et renvoya les Suédois nationaux, et les Finnois prêtèrent serment de fidélité. Quel exemple humiliant pour l'orgueil et la vanité des peuples! La Suède, qui sous les Gustave et les Charles était regardée comme la patrie de la valeur, devint en ces temps un modèle de lâcheté et d'infamie; ce même pays produisit des héros dans ses beaux jours, et sous le gouvernement républicain, des généraux privés d'honneur et de fermeté : au lieu d'Achilles, ils n'enfantent que des Thersites. Ainsi les royaumes et les empires, après s'être élevés, s'affaiblissent, et se précipitent vers leur chute. C'est bien à ce sujet qu'il faut dire : Vanité des vanités, tout est vanité!

La cause politique de ces changements se trouve vraisemblablement dans les différentes formes de gouvernement par lesquelles les Suédois ont passé. Tant qu'ils formaient une monarchie, le militaire était en honneur : il était utile pour la défense de l'État, et il ne pouvait jamais lui être redoutable. Dans une république, c'est le contraire; le gouvernement doit en être pacifique par sa nature, le militaire y doit être avili : on a tout à craindre de généraux qui peuvent s'attacher les troupes; c'est d'eux dont peut venir une révolution. Dans les républiques, l'ambition se jette du côté de l'intrigue pour parvenir; les corruptions les avilissent insensiblement, et le vrai point d'honneur se perd, parce qu'on peut faire fortune par des voies


a A Helsingfors, le 4 septembre 1742.