<3> garantissait à l'Empereur une loi domestique qu'il avait publiée pour sa succession, si connue en Europe sous le nom de pragmatique sanction. Cette loi devait assurer à sa fille l'indivisibilité de sa succession.
On a sans doute lieu d'être surpris, en trouvant la fin du règne de Charles VI si inférieure à l'éclat qu'il jeta à son commencement. La cause des infortunes de ce prince ne doit s'attribuer qu'à la perte du prince Eugène : après la mort de ce grand homme il n'y eut personne pour le remplacer; l'État manqua de nerf, et tomba dans la langueur et dans le dépérissement. Charles VI avait reçu de la nature les qualités qui font le bon citoyen; mais il n'en avait aucune qui faisait le grand homme : il était généreux, mais sans discernement; d'un esprit borné et sans pénétration; il avait de l'application, mais sans génie, de sorte qu'en travaillant beaucoup il faisait peu; il possédait bien le droit germanique; parlant plusieurs langues et surtout le latin, dans lequel il excellait; bon père, bon mari, mais bigot et superstitieux comme tous les princes de la maison d'Autriche. On l'avait élevé pour obéir, et non pour commander. Ses ministres l'amusaient à juger les procès du conseil aulique, à s'attacher ponctuellement aux minuties du cérémonial et de l'étiquette de la maison de Bourgogne : et, tandis qu'il s'occupait de ces bagatelles, ou que ce prince perdait son temps à la chasse, ses ministres, véritablement maîtres de l'État, disposaient de tout despotiquement.
La fortune de la maison d'Autriche avait fait passer à son service le prince Eugène de Savoie, dont nous venons de parler. Ce prince avait porté le petit collet en France; Louis XIV lui refusa un bénéfice : Eugène demanda une compagnie de dragons; il ne l'obtint pas non plus, parce qu'on méconnaissait son génie, et que les jeunes seigneurs de la cour lui avaient donné le sobriquet de dame Claude. Eugène, voyant que toutes les portes de la fortune lui étaient interdites, quitta sa mère, madame de Soissons, et la France, pour offrir ses services à l'empereur Léopold : il devint colonel et reçut un régiment; son